John Chen ne s'est pas donné pour objectif de tout changer. Il a simplement fait bon usage de ses atouts.

« J’ai toujours aimé réparer ce qui est brisé », a affirmé M. Chen lors de la dernière séance mensuelle de la série Les innovateurs RBC, qui traite d’innovation et des changements apportés par la technologie dans nos façons de travailler, de vivre et de jouer.

Il a eu beaucoup de choses à réparer au sein de BlackBerry, l’emblématique entreprise de technologie canadienne dont il a pris le contrôle en 2013 à titre de président du conseil d’administration et chef de la direction. À l’époque, l’une de ses premières tâches a été d’annoncer une perte trimestrielle record de 4,4 milliards de dollars. La société est redevenue rentable après s’être recyclée dans le domaine des logiciels et des services, dont elle tire désormais 90 % de son chiffre d’affaires. Ses résultats, quoique bien en deçà de ceux d’autrefois, sont en hausse.

Le chef de la direction de BlackBerry explique qu’il cherche à accomplir ce que d’autres croient impossible, ce qui exige d’avoir les idées claires et de comprendre parfaitement les grandes tendances.

Dans le cadre de la séance, il a traité des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, de l’avenir des appareils mobiles et de la façon dont l’intelligence artificielle (IA) transforme la cybersécurité.

Voici quelques-uns des points qu’il a abordés :

1. Huawei devra faire preuve d’une transparence accrue

Le réseau 5G constitue le dernier champ de bataille dans la nouvelle guerre froide des technologies. Selon M. Chen, la société chinoise Huawei devra tôt ou tard accepter que son code soit examiné pour avoir accès aux marchés occidentaux. « Sinon, affirme-t-il, je ne vois pas comment Huawei pourrait revenir dans la partie. » Le fait est que la société n’est pas l’unique fournisseur de technologies émergentes comme les routeurs et les modems 5G, et que les gouvernements occidentaux peuvent se passer d’elle et se tourner, par exemple, vers Ericsson.

2. Le prix des téléphones pourrait avoir atteint un sommet

M. Chen estime qu’Apple a mal analysé la courbe de l’inflation et que son téléphone à 1 000 $ ne connaîtra pas le succès escompté. En effet, les nouveaux modèles ne sont pas assez innovants pour que leur prix astronomique soit justifié.

3. Les voitures intelligentes, un nouveau marché

Les voitures, qui intègrent de plus en plus de technologies, devront être protégées par des logiciels sécurisés. Voilà une occasion en or pour BlackBerry, selon M. Chen. La technologie QNX de la société est déjà installée dans 120 millions de véhicules. À l’heure où l’on craint que des pirates informatiques envoient des voitures dans le fossé et que des drones percutent des avions, l’objectif de BlackBerry consiste à faire de la technologie QNX la norme en matière de système d’exploitation automobile – ce que Windows est à l’ordinateur personnel, en quelque sorte.

4. Les combattants de la guerre cybernétique passent de la défensive à l’offensive

Si vous en êtes encore à gérer la dernière attaque informatique dont vous avez été la cible, vous perdrez la bataille. La cybersécurité, véritable jeu du chat et de la souris, constitue une priorité tant pour les forces armées et les hôpitaux que pour les grandes banques, et les deux camps – pirates et cibles – se tournent vers l’intelligence artificielle pour prendre les devants. L’automne dernier, BlackBerry est passée à l’offensive en acquérant Cylance, une société de cybersécurité qui s’appuie sur l’IA pour prédire les attaques, au coût de 1,4 milliard de dollars.

5. BlackBerry n’a que faire de vos données

Pour rivaliser contre des géants comme Apple et Google, il faut miser sur ses forces. Et les forces de BlackBerry, ce sont la sécurité et la protection des renseignements personnels. Ces atouts, issus du passé de la société, continueront de la servir dans l’avenir. Contrairement à ses concurrents, BlackBerry ne cherche pas à gérer les données ni à en tirer un revenu. « Nous ne souhaitons ni connaître ni utiliser les données. Elles sont sans intérêt pour nous. Nous disposons même d’un algorithme pour les supprimer. »

6. Réjouissez-vous de votre mauvaise main

En affaires, M. Chen s’inspire de sa passion pour le bridge. Ce jeu lui plaît parce qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une bonne main pour gagner. Les joueurs accumulent des points en fonction de la façon dont ils jouent les cartes qu’ils reçoivent. « Il faut trouver la meilleure façon de jouer, quelles que soient ses cartes. » Voilà le défi qui l’a convaincu de travailler pour BlackBerry. La tâche est ardue, mais, si l’on fait les bons choix, la récompense est plus élevée.

Ce n’est pas parce que nous disposons de technologies intelligentes que nous devons leur céder le contrôle. Nous devons agir de sorte que notre société ne soit pas dépendante aux technologies, mais se serve de celles-ci de façon judicieuse.
 

John Stackhouse est un auteur à succès et l’un des grands spécialistes en matière d’innovation et de perturbations économiques au Canada. À titre de premier vice-président, Bureau du chef de la direction, il dirige la recherche et exerce un leadership avisé concernant les changements économiques, technologiques et sociaux. Auparavant, il a été rédacteur en chef du Globe and Mail et éditeur du cahier « Report on Business. » Il est agrégé supérieur de l’institut C.D. Howe et de la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l’Université de Toronto, en plus de siéger aux conseils d’administration de l’Université Queen’s, de la Fondation Aga Khan Canada et de la Literary Review of Canada. Dans son dernier livre, « Planet Canada: How Our Expats Are Shaping the Future », il aborde la ressource inexploitée que représentent les millions de Canadiens qui ne vivent pas ici, mais qui exercent leur influence depuis l’étranger.

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