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Intégration de la durabilité dans le commerce de détail – Compte rendu de table ronde

Par Diane Amato

Publié le juillet 26, 2022 • 12 min de lecture

Au cours des dernières années, certains événements nationaux et mondiaux ont favorisé la généralisation des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Par exemple, la pandémie de COVID-19 a révélé certains problèmes sur les plans des relations de travail et des chaînes d’approvisionnement, tandis que le dérèglement climatique nous a éveillés sur l’urgence de lutter contre le réchauffement planétaire. Les initiatives gouvernementales et les pressions des consommateurs ont poussé les entreprises à redoubler d’efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et pour gérer l’approvisionnement, la fabrication, l’emballage et la distribution de façon à répondre aux attentes de la société.

À l’occasion du congrès RCCSTORE22, Sarah Thompson, première directrice générale, Finance durable, RBC Marchés des Capitaux, a animé une table ronde, intitulée Driving the Sustainability Opportunity in Retail (Intégration de la durabilité dans le commerce de détail), qui réunissait trois experts de la durabilité : Mark Kadonoff, vice-président de Sweets from the Earth ; Jacquelyn Kankam, directrice générale principale, Durabilité et impact social, DECIEM ; et Paul Yang, directeur général principal, Innovation et durabilité, Tim Hortons. Ces invités ont décrit leur parcours en matière de durabilité, et discuté des défis et des occasions liés à l’intégration des critères ESG dans leurs activités.

Les entreprises peuvent-elles opérer les changements voulus par les consommateurs en matière de durabilité ?

Les investissements écologiquement et socialement responsables ont augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières années, la plupart des grandes entreprises s’engageant résolument à adopter des pratiques plus durables. Toutefois, les consommateurs demeurent assez sceptiques quant aux changements réellement en cours. Sarah Thompson a demandé à ses invités si les entreprises canadiennes agissent aussi rapidement qu’elles devraient le faire – ou si elles traînent de l’arrière.

L’une des premières boulangeries véganes au Canada, Sweets from the Earth, a été fondée en 2002. La raison d’être de cette petite entreprise consiste à faire la preuve de la durabilité et de la nature écologique du véganisme, et à démontrer combien les produits végétaliens peuvent être meilleurs non seulement pour la santé des consommateurs, mais aussi pour celle de l’environnement. Environnementaliste invétéré, Mark Kadonoff explique que la durabilité fait partie de l’ADN de l’entreprise depuis sa fondation. Elle est prise en compte dans chaque décision. « Cette préoccupation n’est pas nouvelle pour nous ; elle est là depuis le début. La durabilité est au cœur de nos décisions, qu’il s’agisse de l’emplacement de nos installations, de nos approvisionnements, de nos ingrédients, de nos emballages ou de nos moyens de distribution. »

La marque DECIEM regroupe entre autres les produits NIOD et The Ordinary. Jacquelyn Kankam, qui travaille pour l’entreprise depuis deux ans, révèle qu’on y travaille fort à devenir une société véritablement durable. Elle admet tout de même qu’on n’y parviendra peut-être jamais. « Il est toutefois important d’essayer d’y arriver », dit-elle en expliquant que l’entreprise compte beaucoup d’employés mobilisés qui posent des questions détaillées sur la durabilité de notre production, et qui se soucient grandement de nos engagements de durabilité, entre autres en matière d’emballage et de lutte aux changements climatiques. La clientèle de l’entreprise est également très engagée, ce qui pousse DECIEM à poursuivre ses efforts sur le plan de la durabilité. On cherche à opérer des changements tangibles qui auront un effet réel sur l’environnement, plutôt que de simplement bien paraître dans les médias sociaux.

Paul Yang révèle que son équipe de Tim Hortons s’affaire à créer un cadre de durabilité axé sur l’impact que peuvent avoir la production et la conception. Au cours des cinq dernières années, il s’est employé à rendre les activités de Tim Hortons plus durables, en intégrant des critères de durabilité dans tous les aspects de l’exploitation.

Quels sont les plus grands changements opérés jusqu’ici, et quels sont les plus importants changements à venir ?

Le plus grand changement qu’a observé Mark Kadonoff au cours des dernières années, c’est que les gens parlent maintenant de durabilité. « Auparavant, nous travaillions dans l’ombre. Aujourd’hui, la durabilité est une préoccupation publique, et nous devons répondre aux attentes des consommateurs et des fournisseurs. La durabilité a pris le devant de la scène. » Mark Kadonoff dit que son entreprise reçoit beaucoup de questions, dans les médias sociaux, sur ses emballages, ses pratiques d’approvisionnement équitable, son approvisionnement local et ses pratiques de travail. « Le public est cent fois plus sensibilisé qu’à nos débuts, et c’est vraiment bien, car beaucoup de travail se fait en coulisse. » Le président de Sweets from the Earth ajoute que les gouvernements et le secteur privé ont adopté des approches différentes relativement aux efforts des entreprises ; selon lui, les gouvernements punissent l’inaction en matière climatique, tandis que le secteur privé récompense les efforts favorables à la durabilité.

Selon Jacquelyn Kankam, la pandémie de COVID-19 a été un moment charnière, tandis que les événements météorologiques ont sensibilisé le grand public à la crise climatique. Elle a constaté de nouvelles attentes provenant des consommateurs et des employés, qui exigent qu’on passe à l’action. Elle a également observé une nouvelle volonté de s’attaquer aux émissions du champ d’application 3. L’an dernier, 99 % des émissions du champ d’application 3 qu’a générées DECIEM provenaient de sa chaîne d’approvisionnement ; il convient donc d’évaluer les méthodes des fournisseurs et des distributeurs pour obtenir des résultats probants.

Même si ce changement est positif, Jacquelyn Kankam veut s’assurer que les produits durables soient accessibles à tous. Pour l’instant, de nombreux consommateurs renoncent à acheter certains produits durables parce qu’ils sont trop chers. « Je pense que les marques doivent s’assurer de ne pas négliger les consommateurs qui n’ont pas les moyens de payer plus ; on devrait tenir compte de l’équité dans l’équation. »

De son côté, Paul Yang explique que Tim Hortons est depuis des années à l’avant-garde de la durabilité, mais que ses nombreuses initiatives attiraient peu l’attention. « Nos efforts n’étaient pas inscrits dans notre stratégie d’entreprise. Ce qui a changé, c’est que notre clientèle est de plus en plus sensibilisée. Partout dans le monde, nos clients se préoccupent d’approvisionnement et d’emballage. » Il ajoute que les consommateurs sont mieux renseignés sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

Paul Yang précise également qu’étant donné la taille de Tim Hortons, il croit que l’entreprise a la responsabilité et la capacité de transformer son secteur. « Près du cinquième de la population canadienne fréquente quotidiennement un établissement de Tim Hortons – cela représente un nombre considérable de personnes. Par conséquent, chacun de nos petits gestes peut avoir une incidence mondiale au quotidien. »

Quelles sont les concessions à faire par rapport aux pratiques durables ou à l’intégration des critères ESG dans l’exploitation d’une entreprise ?

Mark Kadonoff croit que le coût de la durabilité n’est pas nécessairement une dépense supplémentaire. « Dans bien des cas, la recherche de la durabilité nous a permis d’abaisser nos coûts. Par exemple, les brownies de l’entreprise sont vendus sous forme de carrés, mais le produit brut n’est pas aussi parfait ; on doit le découper à l’aide d’une machine. Auparavant, les résidus de découpe étaient compostés, mais un employé a souligné le fait que la collecte de ses résidus par un tiers représentait une perte pour l’entreprise. Sweets from the Earth a donc détourné du compostage 100 % de ses résidus de découpe, qu’elle vend désormais à rabais. « Nous les vendons en ligne à prix réduit, ce qui les rend accessibles aux gens qui n’ont pas les moyens d’acheter nos produits courants. »

Mark Kadonoff ajoute que l’entreprise se préoccupe aussi de ses emballages actuels, qui contiennent une petite quantité du plastique à usage unique, lequel prolonge de 21 jours la durée de conservation de ses produits. Si Sweets from the Earth utilisait des emballages compostables à base de maïs, ses produits auraient une durée de conservation de seulement trois à cinq jours. « La question est maintenant de savoir ce qui est le mieux pour l’environnement : un petit peu de plastique à usage unique – que nous utilisons à contrecœur – ou des produits que les détaillants doivent jeter après quelques jours parce qu’ils sont rassis. C’est le genre de dilemme auquel nous faisons face. »

Jacquelyn Kankam admet qu’il n’existe pas de solutions parfaites et que les compromis sont inévitables, mais elle croit que l’inaction a aussi un coût. À son avis, il faut rester réaliste ; si la perfection est inatteignable, il vaut mieux adopter la meilleure solution de remplacement dans les circonstances. Pour DECIEM, la solution viable a été d’opter pour la compensation carbone des émissions liées à l’expédition, plutôt que d’utiliser du biocarburant. « Le biocarburant aurait sans doute un meilleur impact, mais il est incroyablement coûteux, et l’approvisionnement est limité. Nous aurions pu choisir de compenser une partie de nos émissions d’expédition par l’utilisation de biocarburant, plutôt que d’opter entièrement pour la compensation carbone. Pour l’instant, nous avons décidé d’opter pour une solution de compromis, et nous réexaminerons plus tard la possibilité d’adopter le biocarburant. »

Paul Yang ajoute que l’évaluation des compromis acceptables exige de bien connaître la situation de l’entreprise ainsi que l’impact de la chaîne d’approvisionnement, en amont et en aval, sur la durabilité de la production. L’examen de tous les éléments en jeu, des matières premières aux investissements qui influent sur les tarifs, permet de s’attaquer aux problèmes et de progresser sur le plan de la durabilité.

Quelle importance votre entreprise accorde-t-elle à la diversité, à l’équité et à l’inclusion ?

Mark Kadonoff explique que la diversité, l’équité et l’inclusion font partie intégrante de tout ce que fait son entreprise – tout comme la durabilité, la diversité, l’équité et l’inclusion sont envisagées de façon organique dans l’ensemble de l’entreprise. Le vice-président de Sweets from the Earth croit que les chefs d’entreprise doivent permettre à tous leurs employés de mettre à l’épreuve de nouvelles idées et d’engendrer des changements positifs. La diversité de pensée à tous les échelons favorise la créativité et l’émergence de pratiques plus durables.

Jacquelyn Kankam explique que DECIEM a un jour décidé de se préoccuper davantage du recrutement, de la composition de l’équipe de direction, et du niveau de diversité chez ses fournisseurs ; l’entreprise s’est alors rendu compte qu’il fallait faire mieux. Comme de nombreuses entreprises l’ont fait en juin 2020, DECIEM s’est fixé des objectifs en matière de diversité, d’équité et d’inclusion, et la directrice soutient que l’entreprise a tenu ses engagements. Les initiatives de DECIEM sont menées par un conseil d’employés qui se préoccupe de susciter des changements durables.

Jacquelyn Kankam ajoute que les objectifs de durabilité de son entreprise sont associés à des objectifs sociaux. DECIEM a récemment fait un don à une collectivité autochtone du Nordlabrador, afin de lui permettre de passer du diesel à l’énergie renouvelable. « Dans cette collectivité éloignée, on installe des panneaux solaires sur le toit des centres communautaires. » C’est une façon d’intégrer la diversité, l’équité et l’inclusion dans leurs pratiques courantes et dans la gestion de leur empreinte écologique.

Paul Yang explique qu’à titre de membre du groupe Restaurant Brands International, qui est présent dans plus de 100 pays, son entreprise est très fière de favoriser la diversité au sein de la direction. « Cela fait partie de notre culture et de nos valeurs ; la diversité des points de vue permet à notre entreprise de réaliser son plein potentiel. Cette approche mobilise le personnel et nous aide à attirer de nouveaux talents. » Insistant sur la nécessité d’avoir un pipeline de talents, Paul Yang explique que la méthode de recrutement de son entreprise fait en sorte qu’au moins 50 % des candidats convoqués à la ronde finale d’entrevues répondent aux critères de la diversité.

Tim Hortons cherche à avoir une incidence positive, non seulement sur la vie de ses employés, mais aussi sur celle des collectivités où elle est présente. Par exemple, l’entreprise collabore avec des producteurs de café afin de développer leurs compétences de base et de soutenir leur croissance.

Les pratiques durables sont importantes, et les entreprises qui ont dès leurs débuts intégré la durabilité dans leurs façons de faire sont sans doute bien vues des consommateurs et des investisseurs qui souhaitent que leur argent ait un impact social positif. Quant aux entreprises qui n’en sont pas encore là, il n’est pas trop tard pour adopter des pratiques qui peuvent changer les choses. L’évaluation des forces et des faiblesses de votre entreprise, l’examen des défis et des occasions qui se présentent à vous, et la volonté de passer à l’action – que ce soit de façon modeste ou ambitieuse – sont des moyens qui vous permettront d’intégrer la durabilité dans vos activités, afin d’avoir un impact positif à long terme.

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.

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