#maréalisation : Innovateurs, entrepreneurs et idealists
Vous êtes-vous déjà demandé comment les entrepreneurs réussissent à transformer leurs rêves en réalité ? Ce qui les motive à repousser les limites, à susciter le changement et à faire progresser leur secteur ? Nous avons eu l’occasion de le demander à des propriétaires de petite entreprise du Canada.
Andy Dale raconte son parcours à la fois audacieux et réfléchi, et explique comment il est sorti gagnant d’avoir fait le saut, d’avoir suivi son cœur, et d’avoir su s’appuyer sur son patrimoine familial.
Q : Comment êtes-vous passé d’une carrière fructueuse dans la finance à la fondation d’une fabrique de sacs en cuir ?
A. Dale : Je voulais faire quelque chose de différent et en accord avec mes valeurs – fabriquer des produits de grande qualité, respecter les gens et l’environnement, et commercer avec intégrité. J’ai toujours été créatif et entreprenant, mais les conventions et les pressions sociales – qu’elles soient réelles ou imaginaires – peuvent empêcher bien des gens de faire le saut. Inspiré par mes nombreux voyages, j’ai commencé à réfléchir à ce que je pourrais créer pour représenter le parcours physique et métaphorique d’une vie.
Comme j’avais une affinité naturelle avec la mode, j’ai commencé à explorer divers marchés de ce secteur. J’ai découvert que l’offre de sacs en cuir – en particulier pour les hommes – était assez pauvre. J’ai aussi découvert que la majorité des sacs en cuir étaient trop chers. Mais mon intérêt dépasse le simple univers des sacs. Ce secteur n’est qu’un exemple permettant de démontrer que les meilleurs produits – ceux qui défient le temps, qui sont originaux et qui sont faits à la main – peuvent aussi être fabriqués selon les normes d’intégrité les plus strictes.
L’expérience LeDaveed me ramène également à mes racines. Devenu orphelin à l’âge de huit ans dans l’Europe d’avant-guerre, mon grand-père rêvait d’être ouvrier du cuir pour assurer son autonomie. Embauché tout jeune comme apprenti, il a appris son métier à la dure, mais il a finalement cousu des articles de grande qualité pendant près de 50 ans. Lorsqu’il est arrivé au Canada à titre de réfugié, son expérience d’ouvrier du cuir lui a permis de refaire sa vie ici. C’est un honneur de marcher dans ses traces, de m’inspirer de sa résilience et de son ardeur au travail.
En seulement deux ans, nos produits originaux ont connu beaucoup de succès, car ils apportent de la joie aux gens.
Q : Quelle a été votre plus grande difficulté dans le lancement de votre entreprise ?
A. Dale : Il a été vraiment difficile de créer un produit très distinctif sur le plan des matières utilisées et de la chaîne d’approvisionnement. J’étais déterminé à respecter l’environnement et à donner plus de pouvoir aux gens, mais je savais que si mes produits n’étaient pas aussi bons ou meilleurs que les produits concurrents, personne ne les achèterait.
Ç’a été aussi difficile de trouver un manufacturier. Nous faisons affaire avec un des rares manufacturiers canadiens à fabriquer des sacs en cuir haut de gamme depuis des décennies. Sinon, 90 % de la production est faite en Chine.
Il m’a fallu convaincre ce fournisseur de nous faire confiance. J’ai dû lui dire : nous sommes une jeune entreprise sans argent, mais déterminée. Je suis le fondateur, et c’est moi qui la finance. Ç’a été très difficile de lui dire « faites-moi confiance ; ça va marcher ».
Q : Comment avec-vous bâti votre clientèle ?
A. Dale : Notre histoire est fort inspirante ; au début, je rédigeais un blogue sur la création d’une entreprise de mode à partir de zéro. Lors de notre lancement, nos premiers acheteurs étaient les lecteurs de ce blogue. J’étais très content quand j’ai vu ces abonnés sortir leur portefeuille ; c’était le signe qu’ils croyaient vraiment à ce que nous représentons.
Nous avons aussi eu la chance d’être remarqués par la presse, dont les magazines Glamour et GQ. Mais en fin de compte, ce sont les publications spécialisées qui nous ont le plus aidés. Plutôt que de vanter le sac incontournable de la saison, elles se penchent davantage sur la façon d’évaluer le cuir, sur les détails qui démarquent les produits de qualité, et sur la façon d’acheter des articles durables. Les publications spécialisées de ce genre, qui traitent du savoir-faire, ont généré beaucoup de ventes.
Ensuite, il y a le bouche-à-oreille – certains de nos clients se sont fait demander en pleine rue où ils avaient acheté leur sac. L’apparence de nos sacs est très subtile, mais il y a quelque chose de très frappant dans l’originalité du cuir et des fermetures éclair. Ce luxe discret attire l’attention.
Q : Qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre propre cuir, appelé Nixburg Bullskin ?
A. Dale : En fait, j’ai failli mettre fin à l’entreprise avant même qu’elle démarre, car je n’avais pas quitté Bay Street pour fabriquer en série des sacs pleins de produits chimiques, ce que sont en général les articles en cuir. Je voulais protéger la planète, et je me suis dit que je ne pouvais pas utiliser le cuir traditionnel. J’ai donc jeté un coup d’œil aux cuirs « végétaliens », mais j’ai finalement constaté qu’il s’agit en fait de matières plastiques pleines de produits chimiques et peu durables. Le végétalisme est devenu tellement en vogue au cours des dernières années que les experts du marketing ont malheureusement commencé à qualifier le plastique de « végétalien » ! Ces sacs se retrouvent en fin de compte dans les dépotoirs ou les océans. Je me suis demandé s’il y avait moyen d’utiliser le cuir d’une façon qui me permettrait de dormir sans remords. Cela impliquait de créer mon propre cuir.
En Allemagne, une famille rurale fabrique du cuir depuis le début des années 1800, et nous avons conclu un partenariat avec elle pour créer un cuir exclusif et novateur.
Notre procédé utilise 80 % moins d’eau et 75 % moins d’énergie que les méthodes traditionnelles. De plus, il n’est pas dangereux pour les employés. Il n’y a pas de salage, et l’eau est traitée avant d’être rejetée dans la rivière – en fait, elle est plus propre que quand elle a été puisée. La tannerie a accordé à LeDaveed l’utilisation exclusive de ce cuir en Amérique du Nord ; personne d’autre n’y a droit. Notre partenaire allemand a été si impressionné par notre vision qu’il a adopté nos valeurs.
Q : Quelles sont plus vos plus grandes difficultés au quotidien ?
A. Dale : Il y en a beaucoup ; il faut surtout rester concentrés sur nos priorités.
En tant que fondateur, je dois être plus soldat que général. Il est fort difficile de trouver l’équilibre entre nos priorités stratégiques – comme la croissance et la vision – et les détails pratiques du quotidien.
Qu’il s’agisse de sceller des boîtes dans l’entrepôt ou de correspondre avec les clients, il faut mettre la main à la pâte, car une entreprise en démarrage n’a pas les moyens d’engager beaucoup de personnel.
Un entrepreneur ressent aussi beaucoup d’isolement. Souvent, les gens ne le comprennent pas. Parfois, ils disent d’une entreprise : « Vous êtes établis, vous avez un produit et une clientèle ; alors, qu’avez-vous à faire d’autre au quotidien que de traiter les commandes et les demandes des clients ? » Il y a peu de gens à qui on peut parler des difficultés qu’on traverse. Il faut croire en soi et rester fidèle à sa mission.
Heureusement, je peux compter sur un cercle de mentors, sur des conseillers et sur un accompagnateur en gestion. Vos parents et amis vous aiment, mais vous devez cultiver ce soutien intellectuel au sein de la communauté d’affaires – il vous faut un cercle de professionnels qui vous stimule.
Q : Quel conseil donneriez-vous aux aspirants entrepreneurs ?
A. Dale : En premier lieu : ne paniquez pas, et évitez la précipitation. Soyez patient, persévérant et réfléchi. Il est facile de paniquer quand les choses ne semblent pas avancer.
Deuxièmement : travaillez avec cœur, dans la joie et avec détermination. Personne ne va croire en vous si votre présentation d’affaires n’est axée que sur le simple commerce. Par contre, si vous démontrez que votre produit correspond à vos valeurs, si vous respectez les gens, et si vous accordez de la valeur à la qualité, vous découvrirez rapidement que la sincérité se vend toujours bien. Enfin, la joie est importante. La vie est trop courte pour qu’on ne s’amuse pas en chemin.
En novembre 2018, les réalisations de 23 femmes ont été soulignées par les Prix canadiens de l’entrepreneuriat féminin RBC 2018. Ces femmes exceptionnelles et leurs entreprises pionnières dans une variété de secteurs ont un objectif en commun : se distinguer par leur excellence.
Un autre article de la série « Femmes entrepreneures canadiennes » :
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