Récemment, Rod Hunt, premier directeur général, Crédit immobilier, RBC, s’est exprimé sur la situation des petites entreprises et de l’immobilier commercial, notamment sur ce que peuvent faire les propriétaires d’entreprise et les propriétaires d’immeubles pour relever les défis actuels.
Le point sur les petites entreprises et l’immobilier
Les propriétaires d’immeubles commerciaux et leurs locataires ont composé avec les baisses de revenus d’une foule de manières. Certains propriétaires d’immeubles se sont prévalus de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC), un programme de soutien aux petites entreprises admissibles qui éprouvent des difficultés financières en raison de la pandémie de COVID-19. Le programme offre des prêts transformables en subventions aux propriétaires d’immeubles commerciaux admissibles pour qu’ils réduisent d’au moins 75 % le loyer à payer par leurs locataires, s’ils sont de petites entreprises touchées.
D’autres n’ont pas eu recours à ce programme.
« L’AUCLC n’a pas suscité autant d’intérêt que prévu au moment de sa création », a déclaré M. Hunt, en précisant que cela tenait notamment aux facteurs suivants :
- Paperasserie. Les propriétaires d’immeubles estiment que les documents requis sont trop nombreux et difficiles à remplir.
- Renseignements manquants. Quand un propriétaire a plusieurs locataires, par exemple, dans le cas d’un centre commercial, il doit soumettre une seule demande relativement à tous ses locataires. Le processus devient lourd lorsque le propriétaire doit attendre des renseignements d’un ou deux de ses locataires.
- Réticence à perdre 25 % du montant du loyer. En vertu des règles relatives à l’AUCLC, le locataire ne paie que 25 % de son loyer ; de son côté, le propriétaire de l’immeuble reçoit du gouvernement une somme correspondant à 50 % du loyer. Le propriétaire perd donc un quart du loyer.
Par ailleurs, certains propriétaires ont négocié des ententes séparées avec leurs locataires. « De nombreux propriétaires d’immeubles ont offert une réduction de loyer pendant quatre à six mois, en prévoyant récupérer cette somme durant la période de douze à vingt-quatre mois qui commencera à la fin de l’année », a expliqué M. Hunt.
Bien que certains propriétaires aient adopté une position ferme, la plupart préfèrent conserver leurs locataires, quitte à toucher des loyers moins élevés que l’année dernière. « Il vaut mieux perdre 25 % des loyers durant trois mois que voir un locataire fermer boutique et se retrouver avec un local vacant pendant un mois », dit M. Hunt.
Les entreprises sont-elles à la recherche de locaux plus petits ?
Quand on lui demande si les petites entreprises déménagent dans des locaux plus petits et meilleur marché, M. Hunt répond qu’il y a peu de mouvement à l’heure actuelle. Les entreprises qui ont une clientèle établie veulent demeurer là où leurs clients pourront les trouver. Par ailleurs, le déménagement et la rénovation de nouveaux locaux coûtent cher. « À l’heure actuelle, les propriétaires d’entreprise cherchent à survivre jusqu’aux Fêtes, espérant que cette période leur permettra d’améliorer leur situation », dit M. Hunt.
Pas de domination du commerce électronique
Au début de la pandémie, de nombreux consommateurs ont adopté le magasinage en ligne, par nécessité ou par choix, et beaucoup ont conservé cette habitude après la réouverture des magasins. Toutefois, les magasins traditionnels conservent leur place.
Même si les ventes en ligne ont connu une croissance remarquable durant la pandémie, elles ne constituent que 10 % de l’ensemble des ventes, selon les données de mai 2020 publiées par Statistique Canada1. « C’est dans des magasins qui ont pignon sur rue que sont réalisés la plupart des achats, affirme M. Hunt. Le commerce traditionnel n’est pas mort. La majorité des entreprises, quelle que soit leur taille, réalisent qu’elles doivent adopter une approche multimodale. L’idéal est de conjuguer présence en ligne et emplacement physique. »
Gestion des coûts de propriété
Aux petites entreprises qui s’inquiètent des loyers élevés ou croissants, M. Hunt conseille de discuter avec le propriétaire de l’immeuble. « Les deux parties doivent collaborer et chacune doit comprendre la position de l’autre, dit-il. Il est vrai que certains immeubles sont détenus par de grandes sociétés d’envergure nationale. Cependant, nombre de propriétaires sont de petites entreprises locales ayant elles aussi des ressources limitées. » Les locataires ne peuvent pas s’attendre à ce que ces propriétaires locaux annulent complètement les loyers, explique-t-il. Il ajoute toutefois que l’inflexibilité n’est pas nécessairement la voie à suivre pour les propriétaires.
L’important est de travailler ensemble, d’accepter des compromis et de trouver des solutions acceptables pour tous.
Immobilier commercial : que réserve l’avenir ?
Comme 40 % de l’effectif canadien a travaillé à domicile durant le confinement et que 25 % des entreprises canadiennes ont déclaré qu’il était probable ou très probable qu’elles permettent à leurs employés de continuer à télétravailler, on peut s’interroger sur la stabilité du secteur canadien de l’immobilier commercial.
M. Hunt donne plusieurs précisions pour clarifier la situation. Il cite plusieurs études publiées dans la revue Harvard Business Review et par l’Université Stanford pour illustrer les problèmes de productivité liés au télétravail :
- La productivité des télétravailleurs diminue avec le temps. Quand des gens travaillent constamment à domicile, leur motivation et leur lien avec l’employeur s’émoussent.
- La dimension sociale du milieu de travail manque aux télétravailleurs. Même lorsque les télétravailleurs maintiennent leur productivité (tels les employés des centres d’appel, dont la productivité est restée inchangée selon les études), 70 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles aimeraient revenir au bureau pour renouer avec sa dimension sociale.
Bien que la plupart des gens pensent que le télétravail permanent deviendra plus courant, beaucoup de travailleurs estiment que la formule optimale – maximisant productivité, innovation et collaboration – consiste à aller au bureau trois jours par semaine et à rester à la maison deux jours.
Avec le retour des employés dans les lieux de travail – même à temps partiel –, on devra prévoir plus d’espace afin que les exigences de distanciation physique puissent être respectées. Autrement dit, moins de personnes se rendront dans les lieux de travail, mais la capacité d’accueil aura elle aussi diminué. Dans ce contexte, M. Hunt s’attend à ce que la pandémie ait un effet neutre sur le segment des immeubles de bureaux.
La ville souterraine, point de rencontre de l’immobilier commercial et des petites entreprises
La clientèle des petites entreprises installées dans les centres-villes est largement composée de personnes qui travaillent à proximité. C’est notamment le cas à Toronto, Vancouver, Montréal et Calgary, où un important réseau souterrain de boutiques et de restaurants est fréquenté par les employés des bureaux alentour.
Même si l’occupation nette des bureaux pourrait rester la même après la pandémie, qu’en est-il de ces petites entreprises qui, pour survivre, dépendent des visites fréquentes d’un grand nombre de clients ?
« Les effets de la COVID-19 varieront considérablement selon le type d’entreprise et l’emplacement, dit M. Hunt. Les chiffres des ventes au détail viennent d’être publiés pour juillet et ils sont supérieurs à ceux d’avant la pandémie. Collectivement, nous dépensons davantage, mais la nature de nos dépenses a beaucoup changé. Certains en sortent gagnants et d’autres sont pénalisés. »
Alors que dans la plupart des immeubles, le nombre de travailleurs ne représente qu’une fraction de ce qu’il était avant la pandémie, la survie de certaines entreprises est menacée. Certes, bon nombre d’entre elles sont d’importants détaillants ; toutefois, les franchisés des aires de restauration et les boutiques indépendantes pourraient souffrir. « Lorsque les choses reviendront à la normale, dit Rod Hunt, le nombre de locaux commerciaux occupés reviendra très probablement aux niveaux observés avant la pandémie. La nature des entreprises et les propriétaires changeront, mais la fréquentation sera là. »
1 – Source : Statistique Canada, Enquête mensuelle sur le commerce de détail
Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.