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RBC
Le Canada est aux prises avec une grave pénurie de médecins de famille. Selon une étude, la moitié des Canadiens n'ont pas de médecin de famille ou ne parviennent pas à obtenir rapidement un rendez-vous lorsqu'un besoin survient. Cette crise a une incidence considérable sur la capacité des Canadiens de recevoir des soins de santé primaires de qualité au moment où ils en ont le plus besoin.

Malheureusement, le problème n’est pas nouveau. En 2019, Statistique Canada a indiqué qu’environ 4,6 millions de Canadiens n’avaient pas de fournisseur habituel de soins de santé. Toutefois, la pression qui s’est exercée sur le système de soins de santé pendant et après la pandémie a rendu le problème beaucoup plus urgent.

L’une des façons de remédier à la pénurie est d’attirer en médecine familiale un plus grand nombre de diplômés. Mais à quoi tient le fait que moins de diplômés se dirigent vers cette spécialité ? Quelles sont les choses que doivent savoir les nouveaux diplômés au sujet de la crise actuelle ? Et comment cette crise sera-t-elle résolue ?

La Dre Nancy Fowler, directrice générale, Médecine familiale universitaire, au Collège des médecins de famille du Canada (CMFC), donne certaines réponses et examine également d’autres aspects.

Quels sont les différents modèles de pratique en médecine familiale ?

Au Canada, il y a deux grands modèles de pratique en médecine familiale :

  • la rémunération à l’acte
  • le Centre de médecine de famille (CMF)

La vaste majorité des médecins de famille du Canada sont rémunérés suivant le modèle traditionnel de rémunération à l’acte. Selon ce modèle, la province paie les médecins et les hôpitaux pour chaque consultation, test ou intervention chirurgicale. Ce modèle soulève une préoccupation importante, car on craint qu’il encourage les médecins à mettre l’accent sur la quantité plutôt que sur la qualité des soins, et fasse en sorte que les médecins doivent voir un grand nombre de patients pour assurer la réussite de leur pratique.

Le modèle de Centre de médecine de famille repose sur le travail d’équipe. Les médecins de famille collaborent avec d’autres professionnels de la santé afin d’offrir à leurs patients des soins accessibles et de grande qualité. Le Collège des médecins de famille du Canada recommande que l’on s’appuie sur le modèle de Centre de médecine de famille pour l’avenir des soins de santé primaires au Canada. Ce modèle n’est toutefois pas encore disponible dans l’ensemble du pays, même si l’on sait qu’il est associé à une amélioration de la qualité des soins et à une réduction des coûts dans tout le système de soins de santé canadien.

« Nous savons que bien au-delà de 90 % de nos diplômés désirent clairement travailler dans des contextes où l’on applique un modèle de Centre de médecine de famille, et que lorsqu’ils n’y parviennent pas, ils cessent de s’intéresser à la médecine générale, dit la Dre Fowler. Parmi les éléments déterminants de la crise actuelle, il y a le fait que les médecins de famille doivent composer avec des niveaux croissants de complexité et de soins sans bénéficier d’un soutien faisant partie intégrante de leur pratique. »

Quels sont les autres facteurs à l’origine de la pénurie de médecins de famille au Canada ?

En raison de la piètre distribution des médecins de famille dans l’effectif des soins de santé, les collectivités rurales et éloignées et les communautés autochtones sont particulièrement vulnérables face à la pénurie actuelle. De plus, dans certaines provinces, la rémunération des médecins de famille est faible par comparaison avec celle des professionnels des autres spécialités médicales.

« Nous n’encourageons pas nécessairement les bonnes choses dans le système de soins de santé, dit la Dre Fowler. Si les diplômés en médecine voient s’offrir à eux des possibilités mieux rémunérées pour lesquelles ils ont été adéquatement formés, on ne peut pas leur reprocher d’orienter leur pratique en ce sens. »

Elle ajoute qu’à l’école de médecine, il existe ce qu’on appelle un « curriculum caché », et que la médecine familiale n’est pas toujours perçue comme ayant un statut aussi élevé que les autres domaines de pratique.

« Il importe aussi selon moi d’apporter des changements à la culture et à l’environnement qui caractérisent les écoles de médecine, dit-elle. À l’heure actuelle, le système de rémunération et la notion de prestige sont entièrement axés sur une spécialisation accrue. »

Quelle stratégie le Collège des médecins de famille du Canada a-t-il adoptée relativement à cette crise ?

Le CMFC s’emploie à répondre à la crise immédiate et, parallèlement, propose des solutions à long terme, dit la Dre Fowler. En collaboration avec l’Association médicale canadienne et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, le CMFC a présenté des recommandations politiques urgentes ayant trait à un ensemble de mesures de financement. De telles mesures pourront aider les médecins de famille qui doivent composer avec des problèmes administratifs comme le manque de personnel et de soutien administratif, qui ont été aggravés par la pandémie.

À long terme, le CMFC continuera de recommander l’adoption du modèle de Centre de médecine de famille aux niveaux fédéral et provinciaux, dit la Dre Fowler.

« Les gouvernements prennent conscience de la situation, et les processus et les discussions qui sont en cours à l’heure actuelle nous permettent d’être optimistes quant aux perspectives d’amélioration de la situation », dit-elle.

Que pourrait-on faire d’autre pour améliorer la situation ?

Selon la Dre Fowler, une augmentation du nombre de diplômés en médecine ne pourra pas à elle seule résoudre la crise.

« Ce n’est pas seulement une question de chiffres, dit-elle. Le contexte de formation fait une énorme différence. »

Elle explique que lorsque de nouvelles écoles de médecine et de nouveaux postes seront annoncés, il sera important, pour soutenir les collectivités mal desservies, de recruter des gens provenant de collectivités rurales ou éloignées ainsi que de communautés autochtones, car les médecins sont portés à s’établir et à travailler dans les collectivités où ils ont été formés.

« C’est une chose que d’annoncer plusieurs nouveaux postes, c’en est une autre que de dire : “Que faut-il pour soutenir de façon appropriée un Autochtone depuis l’étape de la propédeutique médicale jusqu’à ce qu’il devienne médecin ? » Cela exige une approche très différente de la vision traditionnelle de l’école de médecine située dans une grande ville. »

Un message d’optimisme pour les nouveaux diplômés

« La relation entre un médecin de famille et ses patients résiste à l’épreuve du temps, et c’est une source d’immense satisfaction. Travailler comme médecin de famille continue d’être une profession extraordinaire. Nous sommes dans une période difficile en ce moment pour ce qui est des conditions d’exercice, mais les choses vont s’améliorer. Les gouvernements prennent conscience de la situation, et compte tenu des processus et des discussions qui sont en cours à l’heure actuelle, il est permis d’être optimiste quant aux perspectives d’amélioration de la situation. »

Consultez le site Web du Collège des médecins de famille du Canada afin d’en savoir plus sur ce que fait celui-ci pour défendre la cause des médecins durant la crise actuelle.

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