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RBC
La COVID-19 a mis au défi la communauté médicale tout en soulignant la nécessité de revoir les méthodes d'évaluation des stagiaires. Dans le cadre d'une initiative visant à repenser la validité, l'efficacité et le dessein des évaluations à enjeux élevés, un groupe d'experts de la Conférence internationale sur la formation des résidents (CIFR) s'est réuni pour discuter de la manière de changer le système.

La dernière Conférence internationale sur la formation des résidents (CIFR) a rassemblé près de 1 200 éducateurs cliniciens, chirurgiens, médecins, résidents et étudiants en médecine du monde entier afin de partager des idées, des enjeux et des innovations, et d’offrir des formations avancées.

Au cours de la séance intitulée Qu’en sera-t-il après la pandémie : redéfinir le rôle des évaluations à enjeux élevés, un groupe d’experts internationaux chevronnés a abordé des sujets épineux concernant les fonctions et la validité des examens de fin de résidence et des évaluations finales dans le monde d’aujourd’hui.

La Dre Flavia Senkubuge, présidente, Colleges of Medicine South Africa (CMSA), la Dre Aimee Charnell, chargée de recherche chirurgicale (Surgical Research Fellow) au Leeds Institute of Medical Education, le Dr Adam Sawatsky, professeur adjoint de médecine, Division of General Internal Medicine, Mayo Clinic et le Dr Farhan Bhanji, professeur de pédiatrie à l’Université McGill se sont joints au modérateur, le Dr Viren Naik, directeur du département d’anesthésiologie de l’Université d’Ottawa et directeur de l’évaluation au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada pour engager un débat dynamique sur les avantages, les problèmes et les solutions concernant les examens à l’avenir.

Pour ou contre les certifications ?

Telle est la question controversée lancée par le Dr Naik pour démarrer la discussion. Au fur et à mesure que les panélistes échangeaient leurs points de vue sur le sujet, quelques points clés penchant en faveur des évaluations à enjeux élevés ont émergé :

  • Les examens ont vocation d’outil de responsabilisation – Le Dr Bhanji a fait remarquer qu’en tant que profession autoréglementée, les professionnels de la médecine doivent obéir au principe de responsabilité. Les examens peuvent contribuer à atteindre cet objectif dans de nombreux contextes et environnements différents. « Il existe des preuves qui justifient cette logique, a-t-il expliqué. Dans certains cas, comme aux États-Unis où la profession peut être exercée sans certification, il est clair que les personnes non certifiées sont plus susceptibles d’être d’appelées devant les conseils d’État, de se faire retirer leurs licences et de récolter de piètres résultats auprès de leurs patients. »
  • Un degré de rigueur est attendu de la part du public – la Dre Senkubuge a affirmé que le public continue de s’attendre à ce qu’un médecin ou un spécialiste obtienne sa certification en réussissant un jalon. « Ne perdons jamais de vue que nous devons tenir nos propos actuels en prenant en compte des attentes du public, a-t-elle déclaré. Je ne suis pas en faveur d’un événement de taille aussi brutal qu’un examen unique décisif, mais je suis aussi consciente du fait que si nous portons notre casquette de “monsieur ou madame Tout-le-monde », le public s’attend à ce qu’on ait réussi cet événement donné pour être certifié. »
  • Les évaluations peuvent servir de système de référence globale – Le Dr Naik a suggéré que les examens pourraient servir de système d’étalonnage dans un contexte de mondialisation, en demandant si ceux-ci ont un rôle à jouer sur la scène internationale. La Dre Senkubuge pense qu’il existe un examen international servant à évaluer si un nouveau venu d’un autre pays est un médecin ou spécialiste acceptable. Et d’ajouter toutefois que l’examen ne représente qu’une facette de la situation et qu’un médecin qui déménage d’Europe en Afrique du Sud, par exemple, se retrouve alors dans un système de santé fort différent, et qu’il importe tout autant de comprendre et d’apprendre à connaître le nouveau système.
  • Les évaluations peuvent donner des indications sur la manière dont les professionnels se débrouilleront dans un cadre professionnel – le Dr Bhanji a aussi expliqué que des études ont montré des corrélations entre les résultats obtenus par les diplômés en médecine internationaux lors d’examens et les résultats pour leurs patients. L’opposé est également vrai : « la manière dont les gens réussissent dans la vie professionnelle donne des indications sur la manière dont ils réussissent un examen », a-t-il déclaré.

Le revers de la médaille : Un examen des problèmes

En revanche, le groupe a suggéré que les pratiques actuelles d’examen sont problématiques et mériteraient d’être réévaluées, car les pivots établis à cause des restrictions liées à la COVID-19 ont redessiné les contours des examens. Voici quelques-unes des grandes questions sur les évaluations à enjeux élevés qui ont émergé de la discussion.

  • Quelles sont les conséquences pour les stagiaires ? Le Dr Adam Sawatsky, chercheur, a discuté des implications et des conséquences des évaluations sur les stagiaires. « Les preuves existaient – elles ont été établies avant l’apparition de la COVID19 – que les conséquences de ces évaluations sont difficiles pour les apprenants », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « la COVID-19 leur a donné une occasion de repenser les examens, tout en reconnaissant que ceux-ci n’apportent pas tous les résultats pour lesquels ils étaient prévus. »
  • Les examens sont-ils équitables et impartiaux ? Comment les questions sont-elles choisies ? Comment chaque question est-elle notée ? Comment fixer les normes ? « Les examens comportent inexorablement une part de subjectivité qui est difficile à évaluer, a déclaré la Dre Charnell. De nombreuses personnes soutiennent que les examens sont sexistes, racistes ou défavorisent les personnes ayant des personnes à charge. Ces examens s’accompagnent de problèmes systémiques. » Par conséquent, de nombreux stagiaires doutent que les examens servent à faire réussir les bonnes personnes ou à faire échouer les mauvaises personnes.
  • Devrait-on mettre fin aux évaluations finales d’un jour ? Les panélistes étaient d’accord sur le fait que les examens d’un jour sont problématiques, car les évaluations à la fin d’un programme ne permettent pas nécessairement de discerner les meilleurs stagiaires. Au contraire, elles ne font qu’évincer ceux qui ne sont pas à la hauteur des normes fixées pour l’examen. Le Dr Bhanji a alors fait remarquer que les instructeurs savent souvent très tôt qui va réussir et qui va échouer pendant un examen. « Un instructeur sait 100 fois qui va échouer à l’examen, déclare-t-il. Nous disposons de données solides qui montrent que l’on peut prédire qui va échouer d’ici la deuxième année – souvent, il n’y a rien de surprenant. »

Évaluer la manière de s’y prendre à l’avenir pour les évaluations à enjeux élevés

« Il est difficile de déterminer le chemin à suivre, et s’entendre sur la question est encore plus délicat », a déclaré le Dr Bhanji. Voici plusieurs solutions potentielles offertes par les panélistes pour améliorer l’impartialité, l’humanité et la qualité des évaluations des étudiants et des stagiaires.

1. Une formation fondée sur les compétences

Le Dr Sawatsky croit en une formation fondée sur les compétences et prône en faveur d’un encadrement visant à aider les stagiaires à se faire une identité professionnelle globale. Il a expliqué l’approche comme étant « de nature à englober la normalisation des compétences non seulement au sens où nous les définissons, mais aussi l’individualisation de ces compétences. »

2. Accueillir la subjectivité

En médecine, une évaluation peut-elle être objective à 100 % ? Le Dr Sawatsky estime que ce n’est pas le cas. Au contraire, il estime qu’il faut reconnaître la part inhérente de subjectivité. « Je crois qu’une partie du problème de tenter de faire part d’objectivité consiste à évaluer des choses, selon nous, de manière objective, comme la connaissance médicale. Cela ne représente qu’une petite partie du tout qui fait que l’on est un médecin. » Il estime au contraire qu’il est important de mettre en balance ce qui peut être évalué de manière objective, et ce qui ne le peut pas.

3. Adopter la recertification

Au fur et à mesure que la médecine évolue, les médecins doivent continuer d’apprendre. « L’une des erreurs que nous commettons est de nous focaliser entièrement sur l’école de médecine et la résidence et d’oublier les 35 autres années de développement professionnel continu », a déclaré la Dre Charnell.

Créer une culture dans laquelle les évaluations éducatives sont objectives, justes, équitables, humaines et apportent les résultats escomptés constitue l’objectif ultime des éducateurs cliniciens. La COVID-19 a souligné la nécessité d’examiner et d’évaluer les chemins à suivre pour le bien des professionnels de la santé et l’avenir du secteur. Reconnaître le fait que les résidents et les professeurs sont des êtres humains permettra de bâtir un avenir plus sain pour tous les professionnels du secteur médical. « Il faut abattre la mentalité de survie, a déclaré la Dre Senkubuge. La période de formation devrait être un moment de réflexion, d’apprentissage, mais qui plus est, de croissance. Pas de survie. »

* Rédactrice indépendante basée à Toronto, Diane Amato aime parler de finances, de soins de santé, de voyages et de techno.