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Ecopia s'est donné pour mission de numériser le monde en se servant de l'intelligence artificielle (IA) afin de fournir de l'information essentielle pour la prise de décisions. Sa technologie contribue ainsi au mieux-être des sociétés et à la santé de l'environnement.

Vous êtes-vous déjà demandé comment les entrepreneurs réussissent à transformer leurs rêves en réalité ? Ce qui les motive à repousser les limites, à susciter le changement et à faire progresser leur industrie ? Dans notre série #maréalisation, des propriétaires de petites entreprises canadiennes racontent comment ils ont transformé leurs idées, leurs objectifs et leurs passions en réalité.

Récemment classée au nombre des entreprises dont la croissance est la plus rapide au Canada, Ecopia.AI (Ecopia) s’attaque à des problèmes que personne n’avait résolus jusqu’ici. Faisant appel à l’intelligence artificielle (IA) pour explorer des mégadonnées géospatiales, l’entreprise crée une représentation numérique très précise et à jour de la terre. Cette représentation peut ensuite être utilisée par des décideurs dans le monde entier. Chaque mois, Ecopia produit des cartes à haute définition de qualité commerciale couvrant des millions de kilomètres. Ces cartes permettent aux entreprises de prendre des décisions judicieuses fondées sur des données.

Jon Lipinski, cofondateur et président d’Ecopia, parle de l’entreprise, de la technologie avant-gardiste qu’elle utilise et des projets d’avenir ambitieux qui sont en préparation, dont la création de la première carte numérique de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, projet qui aura une incidence positive dans la vie de centaines de millions de personnes.

Q. : Comment Ecopia est-elle née ?

J. Lipinski : La création d’Ecopia s’est amorcée au cours des recherches de doctorat de l’un des cofondateurs à l’Université de Waterloo. Yuanming Shu, qui est le chef de la direction et l’inventeur de la technologie sur laquelle nous nous appuyons, poursuivait ses études de doctorat en s’interrogeant sur la possibilité d’utiliser l’intelligence artificielle pour apprendre à un ordinateur à interpréter l’imagerie géospatiale comme le fait un être humain. Le but visé était, par exemple, d’utiliser l’IA pour analyser l’imagerie satellitaire afin de repérer différents objets, comme des maisons et des routes, et d’en délimiter les contours.

Durant ses études de doctorat, Yuanming Shu a reçu une offre d’une grande entreprise. Celle-ci lui proposait d’acheter la technologie qu’il avait conçue. Il a plutôt décidé, en 2013, de commencer à travailler avec Shuo Tan, qui était à la maîtrise à l’Université de Waterloo, afin d’explorer la possibilité de créer une entreprise misant sur cette technologie.

C’est à cette époque qu’ils m’ont rencontré. J’avais obtenu depuis peu mon diplôme de la Ivey Business School de l’Université Western Ontario et je voulais m’intégrer à quelque chose de stimulant qui aurait une portée réelle.

Conscients de la possibilité d’obtenir une subvention gouvernementale, nous avons entrepris tous les trois de rédiger une proposition. Notre proposition a été accueillie favorablement et nous avons obtenu une modeste somme en guise de financement. Nous l’avons utilisée pour commercialiser la technologie. Et en février 2013, Ecopia a été constituée en société.

Q. : Pourriez-vous décrire votre produit ? En quoi Ecopia consiste-t-elle ?

J. Lipinski : Nous fournissons des cartes à haute définition à des organisations qui utilisent des cartes dans des secteurs comme l’assurance, l’administration publique et les télécommunications, ainsi qu’à des ONG. Ces organisations ont besoin de cartes très précises et à jour pour prendre des décisions importantes concernant, par exemple, l’évaluation des risques liés à l’assurance habitation, la planification urbaine, la planification et le déploiement d’infrastructures de télécommunications ou l’installation de capteurs solaires. Nous créons ces cartes en utilisant des systèmes fondés sur l’IA pour explorer des données d’imagerie géospatiale (c’est-à-dire des images qui sont captées par satellite, par avion, par voiture dotée de caméras, etc.).

Ecopia s’est donné pour mission de numériser le monde en se servant de l’IA – créant ainsi une représentation numérique de la réalité qui met des renseignements uniques au service de la prise de décisions importantes.

Q. : Comment avez-vous réussi à faire croître une entreprise qui offre un produit aussi spécialisé ?

J. Lipinski : À l’heure actuelle, la quantité de données concernant la planète est insuffisante. En outre, les données existantes manquent de précision et ne sont pas assez à jour. Les sources actuelles (y compris les cartes informatisées auxquelles les consommateurs ont accès) n’offrent pas des solutions appropriées pour l’analyse et la prise de décisions en entreprise. Les décideurs se voient donc forcés, partout dans le monde, de prendre des décisions clés malgré un manque considérable d’information. Si certaines applications des cartes que nous créons sont évidentes – comme la navigation et la logistique –, d’autres le sont moins au premier abord. Par exemple, demander une soumission d’assurance habitation, utiliser un téléphone cellulaire sur un réseau 5G, ou même surveiller l’efficacité d’un réseau municipal de drainage des eaux de pluie : chacune de ces activités repose d’une façon ou d’une autre sur la technologie des cartes.

Nous avons décroché notre premier contrat d’envergure en 2016. Il s’agissait d’établir une carte de l’ensemble des immeubles de l’Australie pour le gouvernement fédéral du pays. À l’époque, il n’existait aucune autre base de données de ce type même si le besoin était considérable dans de nombreux secteurs. Nous avons établi un partenariat avec l’opérateur de satellites DigitalGlobe (maintenant Maxar Technologies) afin de capter des données d’imagerie satellitaire pour l’ensemble du continent. Ensuite, au moyen de processus fondés sur l’IA, nous avons exploré cette imagerie et créé une carte montrant tous les immeubles de l’Australie – soit 16 millions d’immeubles répartis sur 7,69 millions de km2. Il a fallu six mois pour mener à bien ce processus.

Forte du succès de ce projet, notre entreprise a commencé en 2018 à dresser une carte montrant tous les immeubles des États-Unis contigus – soit 169 millions d’immeubles répartis sur huit millions de km2. Et même s’il y a dix fois plus d’immeubles aux États-Unis qu’en Australie, il nous a fallu le même temps – six mois – pour créer la carte, ce qui témoigne de la puissance de notre technologie. Cette carte est maintenant utilisée par nos clients, notamment des administrations publiques, des compagnies d’assurance et des fournisseurs de services de télécommunications.

Par ailleurs, il y a tout juste quelques semaines, nous avons annoncé une initiative visant à créer la première carte numérique montrant l’ensemble des immeubles, des routes et des forêts de l’Afrique subsaharienne. Ce projet a reçu un financement conjoint de TDDC (Technologies du développement durable Canada) et du gouvernement du Canada, soit un investissement de 6,7 millions de dollars.

Outre ces initiatives, Ecopia a réalisé des centaines de mandats pour des clients répartis dans le monde entier, enrichissant ainsi constamment sa puissante base de données de cartes de qualité commerciale. Nous sommes parvenus à doubler notre chiffre d’affaires chaque année depuis la création de l’entreprise, et nous n’avons pas l’intention de ralentir le rythme.

Q. : Quelle est l’ampleur du projet concernant l’Afrique subsaharienne ?

J. Lipinski : Jusqu’à maintenant, les pays d’Afrique subsaharienne n’ont pas pu bénéficier d’un accès uniforme à des données précises sur la région. La prise de décisions à l’échelle du continent a donc été freinée par des lacunes sur le plan de l’efficacité et par ce manque de données précises.

Grâce au financement de TDDC, nous sommes en train de créer la première carte complète de l’Afrique subsaharienne, qui inclura environ 342 millions d’immeubles, 3,8 millions de kilomètres de routes et 582 millions d’hectares de forêts. Ces données permettront aux gouvernements, aux ONG et aux entreprises d’optimiser leurs efforts sur le terrain dans le cadre d’initiatives comme la distribution de vaccins, le déploiement d’infrastructures durables, et même la surveillance des pratiques de déforestation et l’application de la loi à cet égard.

Q. : Comment avez-vous financé l’entreprise et le développement de ses produits ?

Notre entreprise s’est avant tout autofinancée – si l’on fait exception d’une modeste ronde de financement qui a généré un apport de fonds providentiels il y a cinq ans. Heureusement, nous avons pu tirer parti d’un solide écosystème de sources de financement gouvernemental. Nous sommes très heureux d’être situés au Canada, un pays qui soutient activement le développement technologique et les entreprises en démarrage.

Parmi les nombreux organismes qui nous ont soutenus dans notre démarche, mentionnons les Centres d’excellence de l’Ontario, le PARI (Programme d’aide à la recherche industrielle), FedDev, TECTERRA, Communitech et TDDC (Technologies du développement durable Canada).

Et, bien sûr, des institutions comme RBC et BDC nous ont soutenus depuis le premier jour. Elles savent qu’on ne travaille pas avec une société technologique en appliquant des modèles traditionnels selon lesquels les prêts sont garantis par des actifs. Notre société a une valeur intrinsèque élevée, mais elle n’a pas d’actifs. C’est un nouveau concept, mais je crois que RBC et BDC le comprennent très bien.

Q. : Que recherchez-vous lorsque vous embauchez du personnel ?

Nous recherchons avant tout un profil qui s’harmonise avec notre organisation. Nous formons une équipe très soudée qui travaille dans un climat de collaboration très étroite. Il est donc important de trouver des gens qui peuvent s’intégrer à notre culture.

L’esprit d’entreprise est une caractéristique que nous recherchons et soutenons. Nous voulons travailler avec des gens qui considèrent que la réussite – non seulement individuelle, mais collective – dépend de leurs efforts. Notre culture est fortement axée sur les résultats. Nous travaillons très fort tous ensemble et nous célébrons tous ensemble nos succès.

Q. : Comment faites-vous pour attirer des gens brillants et doués pour la technologie alors que ces talents sont très recherchés au Canada et de l’autre côté de la frontière ?

J. Lipinski : Dans les entreprises plus grandes, on peut se sentir perdu dans une foule et ne jamais vraiment percevoir l’effet de nos efforts individuels. À Ecopia, par contre, chacun est encouragé à assumer des responsabilités croissantes et notre travail a souvent une incidence directe et immédiate sur l’entreprise.

Un autre attrait important est le type de travail que nous faisons. Non seulement nous réglons des problèmes technologiques complexes, mais les résultats de notre travail ont une incidence réelle dans la vie des gens en divers endroits dans le monde. Faire partie de cette aventure est très stimulant. Par exemple, dans le cadre de notre projet en Afrique subsaharienne, nos cartes sont utilisées pour distribuer des vaccins (car les gens meurent encore de maladies qui ont été éradiquées dans les pays développés). Elles servent aussi à construire des infrastructures énergétiques (car 600 millions de personnes ne bénéficient pas d’un accès stable à l’électricité en Afrique subsaharienne).

Q. : Quelle est la prochaine étape pour Ecopia ?

J. Lipinski : Une partie de notre vision est de servir des secteurs émergents qui ont besoin de produits cartographiques très précis, par exemple les secteurs des véhicules autonomes et de la réalité augmentée. En ce moment même, nous travaillons sur le dossier des véhicules autonomes. En tant que partenaire du Réseau d’innovation pour les véhicules automatisés, Ecopia est en train de créer la première carte à haute définition de la région de Waterloo en vue de son utilisation dans les véhicules autonomes.

Nous avons des projets ambitieux en matière d’expansion internationale et de croissance de notre gamme de produits. Il y a une multitude d’occasions à saisir dans ce secteur et les marchés sont illimités. Nous découvrons constamment de nouvelles applications pour nos cartes. Nous estimons occuper une position privilégiée pour ouvrir la voie dans le marché et nous nous employons à élargir notre équipe afin de concrétiser notre vision.