Deux chefs d’orchestre de Montréal, reconnus comme étant d’excellents leaders, nous parlent de leur vision du leadership et des habiletés essentielles à développer pour être un bon leader.
Dina Gilbert, qui a été chef assistante à l’Orchestre symphonique de Montréal pendant trois ans et qui a fondé son propre orchestre de chambre, l’Ensemble Arkea, a non seulement eu l’occasion de développer son propre leadership, mais aussi d’observer de grands leaders à l’œuvre. Elle a travaillé de près avec Kent Nagano, directeur artistique de l’OSM, mais aussi avec des chefs invités de réputation internationale comme Zubin Mehta, James Conlon et Sir Roger Norrington.
Jean-Marie Zeitouni est directeur artistique du réputé ensemble I Musici de Montréal, et directeur musical du Colorado Music Festival, à Boulder, au Colorado. Depuis quinze ans, il donne des ateliers et des conférences sur le leadership et travaille, entre autres, avec la Maison des leaders, un centre de formation en leadership.
Vision d’ensemble
« Dans un orchestre ou une entreprise, chaque métier est important, et le leader doit comprendre le rôle de chacun. Le chef est celui qui a une connaissance globale des résultats à obtenir et de la direction à prendre. Comme chef, je n’ai pas besoin de savoir jouer de chaque instrument. Dans l’orchestre, chacune des personnes que j’ai devant moi est spécialiste de son instrument. L’important est de comprendre le rôle que chacun doit jouer dans l’ensemble, et quelles difficultés il pourrait rencontrer, pour pouvoir planifier le travail afin de faire ressortir le meilleur de chacun », dit Dina Gilbert.
L’art de planifier
« Avant les répétitions, le chef d’orchestre doit soigneusement planifier le temps qui sera réservé à chaque partie d’une œuvre et à chaque section d’instruments. Il doit comprendre les enjeux auxquels il fait face afin d’élaborer un plan pour tirer le maximum des ressources qu’il a à sa disposition : les caractéristiques de l’œuvre, les forces et les faiblesses de son orchestre, le contexte de chaque concert, le lieu et le type de public présent. On dit souvent que 90% du travail d’un chef d’orchestre est fait en dehors du podium, dans le temps qu’il met à étudier la partition et à préparer le travail », ajoute-t-elle.
La réflexion et le contenu
Les meilleurs leaders ne sont pas nécessairement des gens extravertis qui prennent toute la place, mais des personnes qui prennent le temps de réfléchir, d’étudier, d’acquérir des connaissances et d’apprendre de toutes leurs expériences pour en tirer des leçons afin de s’améliorer.
« La plupart des chefs d’orchestre ne sont pas, à la base, des personnes extraverties, mais en pratiquant leur métier, ils acquièrent une aisance pour s’exprimer en public. Ils passent beaucoup de temps avec la partition à étudier la musique pour mieux la comprendre et l’assimiler, et ils apprennent de chaque concert qu’ils dirigent », dit Dina Gilbert.
L’assurance et la communication
« C’est le chef qui cadre l’atmosphère, dit Dina Gilbert. S’il est stressé et qu’il doute de lui, cela se sent. Par contre, s’il est convaincu de ses idées, s’il démontre une confiance en lui, toutes les chances sont de son côté pour que les gens veuillent le suivre, dit Dina Gilbert. Le moyen d’acquérir cette assurance vient avec le travail et la connaissance de la musique, ou de son domaine d’activité. »
« Chaque leader a son style, son tempérament, sa façon de communiquer, dit Jean-Marie Zeitouni. Certains s’expriment davantage en termes techniques, d’autres dégagent plus de chaleur humaine. Le bon leader peut prendre différentes formes, et le leadership s’apprend. Ce qu’il faut développer ce sont des qualités comme la présence, l’écoute et le discernement. Il faut être capable de véhiculer des idées et de les communiquer pour que l’équipe comprenne ce qu’on veut, même quand on doit prendre des décisions difficiles. C’est aussi important qu’ils comprennent pourquoi on prend ces décisions. Il faut savoir convaincre et aussi partager. On m’a confié un rôle, qui est de diriger, et c’est ma responsabilité de trouver comment convaincre. »
L’écoute et l’ouverture
« Les entreprises et les orchestres ont évolué en même temps que la société, dit Jean-Marie Zeitouni. Il fut un temps ou les dirigeants d’entreprises tout comme les chefs d’orchestre étaient vus comme des rois et maîtres auxquels tout le monde obéissait sans discuter. Les employés étaient vus comme de simples exécutants et souvent, ils ne possédaient pas, beaucoup de connaissances. Ce n’est plus le cas. Plus le temps passe et plus les travailleurs sont des spécialistes qui ont des connaissances et une expertise pointue. Aujourd’hui, un dirigeant est souvent à la tête d’une équipe d’experts. Les musiciens de l’orchestre sont souvent, eux-mêmes, des leaders dans leur communauté. Le chef doit donc tenir compte des idées de son équipe, il doit être à l’écoute de ses besoins et démontrer aux musiciens qu’ils ont leur mot à dire. Pour faire une image, on peut dire que le chef est la base de la pyramide, celui qui soutient tout le monde, et non le sommet. Au début de chaque année, je dis à mes musiciens que je prépare l’avenir et qu’ils peuvent m’envoyer leurs idées et suggestions pour la programmation à venir. Je veux qu’ils participent. Je partage mon leadership avec les musiciens, qui deviennent tous porteurs du projet musical. Ce n’est pas toujours moi qui décide. Il faut être capable d’arriver, ensemble, à un consensus et à travers cela, le chef est le gardien de la cohérence. »
La souplesse et l’empathie
Une grande préparation et une ouverture d’esprit permettent au chef d’orchestre de s’adapter rapidement aux événements, aux personnes qu’il dirige, au changement et aux imprévus une fois sur le terrain.
« Quand on est chef invité et que l’on rencontre un nouvel orchestre pour la première fois, on doit analyser rapidement le profil psychologique et la culture de cet orchestre, et s’adapter à eux pour arriver au résultat que l’on souhaite obtenir », dit Dina Gilbert.
« On n’encadre pas de la même façon un employé qui visse le même morceau toute la journée qu’un chirurgien orthopédiste, dit Jean-Marie Zeitouni. Dans les deux cas, il faut s’adapter, comprendre leurs besoins, s’ajuster au type de travailleurs qu’on a dans notre équipe. Notre rôle est de nous mettre à leur place, d’apprendre à jongler avec tout ça. »
Vision sociale
Un bon leader doit non seulement avoir une vision d’ensemble de son organisation, mais il doit aussi avoir une vision du rôle que celle-ci joue dans la société, au-delà de ses activités de base. Il comprend que la mission d’une organisation dépasse ses produits et ses services, mais s’inscrit dans un contexte plus large.
« Le meilleur exemple est celui de Kent Nagano, un chef très visionnaire qui maîtrise l’art d’engager tout le monde dans de grands projets. Je pense à la construction d’une nouvelle salle de concert pour Montréal, la Maison symphonique, ou à la création d’un programme de maternelle à vocation musicale à Montréal-Nord, La musique aux enfants. Maestro Nagano a la capacité d’inspirer son équipe et de lui donner confiance en sa vision, pour l’amener à des résultats exceptionnels qui vont bien au-delà de la salle de concert. Il sait qu’un orchestre symphonique a un rôle social à jouer, qui est de mettre la musique au service de la communauté. »
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