Cet article a été initialement publié sur Gestion de patrimoine.
« Fais ce que tu juges bon avec. » C’est l’instruction que David « Sandy » Gottesman a laissée à sa femme, Ruth Gottesman, en plus d’un portefeuille d’actions d’une valeur de plusieurs milliards de dollars.
D’abord complètement dépassée par le legs de son défunt mari, Mme Gottesman n’a rien fait de sa nouvelle fortune pendant deux ans, mais sur l’insistance de ses enfants, elle a finalement pris une décision.
En 2024, elle a fait don de 1 milliard de dollars américains à l’Albert Einstein College of Medicine dans le Bronx, à New York, un établissement auquel elle est associée depuis 1968, d’abord en tant que professeure, puis au sein du conseil d’administration et actuellement à titre de présidente. Le don des Gottesman permettra de couvrir à perpétuité les frais de scolarité de tous les étudiants.
Il y a beaucoup de bonnes choses dans cette histoire. C’est en effet un exemple de philanthrope qui fait exactement ce qu’il faut : faire un don à une institution importante aux yeux des bienfaiteurs et de la communauté en général. Les États-Unis ont besoin de médecins, et la gratuité des frais de scolarité dans les écoles de médecine ouvre de formidables possibilités tout en allégeant le fardeau de la dette des étudiants du Bronx. C’est un bel héritage et cela m’amène à réfléchir à l’avantage d’avoir un plan stratégique de dons.
Un cas de don par anticipation
Comme son nom l’indique, le don par anticipation consiste à planifier maintenant un don monétaire qui sera octroyé plus tard, souvent, mais pas toujours, après la mort du donateur.
Une étude commandée dans le cadre de la campagne de Volonté de faire a révélé que le nombre de Canadiens qui nomment un organisme de bienfaisance dans leur testament est passé de 5 à 8 % entre 2019 et 2022, soit un bond de 1,2 million de personnes. Et selon un sondage mené par Ipsos pour RBC Trust Royal, les jeunes Canadiens sont plus philanthropes lorsqu’il s’agit de planification successorale : parmi ceux qui ont un testament, plus de la moitié (53 %) des 18 à 34 ans, et un quart des 35 à 54 ans, ont demandé d’inclure un don de bienfaisance, contre seulement 13 % des 55 ans et plus.
Il ne fait aucun doute que le don par anticipation présente des avantages pour les organismes de bienfaisance bénéficiaires, comme avoir des revenus stables et pouvoir planifier des programmes en fonction de ces revenus. Mais il offre aussi de nombreux avantages aux donateurs et à leurs familles.
L’importance d’avoir des instructions claires
Peu de gens recevront plusieurs milliards en héritage, comme Mme Gottesman, mais quelle que soit l’importance du legs, il est parfois difficile de déterminer les dernières volontés d’un être cher. Il a fallu deux ans à Mme Gottesman pour trouver une réponse à cette question. Si elle était également décédée, la décision aurait incombé aux enfants du couple.
Lorsqu’un plan de distribution de patrimoine contient des instructions relatives aux dons philanthropiques, cela soulage les héritiers d’un important fardeau. Ils n’ont pas à se demander ce que le défunt aurait voulu ni à s’inquiéter de s’être trompés. Et ils auront toute liberté pour se souvenir simplement de leur proche.
Il s’agit d’un enjeu de plus en plus crucial. En effet, on assistera au cours des prochaines années à l’un des plus grands transferts de patrimoine de l’histoire, portant sur des milliers de milliards de dollars d’actifs au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Au Canada, les femmes vivent un peu plus longtemps que les hommes (l’écart entre l’espérance de vie des femmes et des hommes s’est rétréci depuis les années 1970 ), et il est donc probable qu’elles assumeront plus que leur part du fardeau. La gestion du patrimoine familial est une énorme responsabilité, rendue encore plus difficile en l’absence de directives claires.
Un plan minutieux et documenté peut également prévenir les discordes. Des études indiquent que seulement 30 % des transferts de patrimoine se déroulent dans de bonnes conditions, c’est-à-dire que les membres de la famille restent en bons termes et maintiennent le contrôle de leurs biens une fois qu’ils ont reçu leur part d’héritage1. Pour ces raisons, et d’autres encore, les bienfaiteurs doivent envisager leur plan de relève dès maintenant.
Tirer le maximum de votre patrimoine familial
La planification d’un don philanthropique par anticipation est aussi une décision pragmatique. Une préparation stratégique permet aux gens d’établir ce qui sera le plus bénéfique pour leur famille et les causes qu’ils soutiennent.
Parfois, les préoccupations concernant les dons de bienfaisance découlent d’idées fausses. Certains craignent que leur contribution soit trop modeste ou qu’ils n’aient pas les moyens de faire un don tout en prenant soin de leur famille. Il va de soi que les gens ne veulent pas dépenser l’héritage de leurs enfants.
L’intégration stratégique de la planification philanthropique dans le plan financier et successoral global d’un donateur crée des occasions d’efficience fiscale qu’on pourrait autrement manquer et qui sont parfois programmées de manière à être les plus avantageuses possible.
Un héritage durable pendant des années
Parmi toutes les raisons qui poussent à faire un don philanthropique, la création d’un héritage est peut-être la plus personnelle. Un legs à un organisme ou à une cause témoigne des valeurs du bienfaiteur et permet d’apporter un soutien concret qui garantira la poursuite du travail déjà accompli.
Comme on dit, vous ne pourrez peut-être pas l’emporter avec vous, mais une planification proactive contribuera à assurer que les intentions philanthropiques du donateur seront respectées.
Un don important qui a un impact
Lorsque Mme Gottesman a pris la parole à l’Albert Einstein College of Medicine fin février pour annoncer le legs, le public a tout de suite manifesté sa joie et son enthousiasme. « On ne peut pas demander de plus beau cadeau » a déclaré un étudiant les larmes aux yeux. « C’est formidable ce que ce don signifie pour les étudiants en médecine et pour la population qui en bénéficiera. » On peut facilement imaginer la fierté que Sandy Gottesman a pu ressentir en faisant ce legs.
Dans ses instructions, David Gottesman recommandait à sa femme de faire avec cet argent ce qui lui semblait juste, et c’est ce qu’elle a fait. Le don de Mme Gottesman est si important, si utile et si essentiel, qu’il est presque impossible d’imaginer quelque chose de mieux. Pourtant, elle s’interroge. « J’espère qu’il sourit et qu’il n’est pas fâché », a-t-elle déclaré au New York Times à propos de son mari, ajoutant qu’elle pense qu’il en serait heureux.
Et c’est là toute la force du don par anticipation. Il permet de clarifier les choses, de prendre des décisions, et de dissiper les doutes persistants qui nous assaillent, même parmi ceux qui ont la chance de jouir du type de confiance qui émanait manifestement de Sandy et de Ruth.
Une version de cet article a été publiée pour la première fois dans Foundation Magazine (en anglais).
Sources :
1 Williams, Roy O. et Victor Preisser. Preparing Heirs: Five Steps to a Successful Transition of Family Wealth and Values. Robert D. Reed Publishers, 2004.
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