Aller au contenu principal
RBC
MENU

Voyage

Au Québec, la plus importante révolution culturelle s'exprime dans l'assiette, en boutique ainsi que dans les émissions de télé, les magazines et les livres consacrés à la cuisine et à l'art de la table.

De la modeste à la haute gastronomie, au-delà des tendances et de tout ce qui fait pop, Montréal recèle plusieurs incontournables. Du nombre, 10 se démarquent. Pas toujours les meilleurs – plutôt des impératifs que les visiteurs sauront aussi apprécier. À table !

Mousso : le meilleur restaurant au Canada ?

L’espace, intime, est aussi soigné que le menu phénoménal proposé par le chef propriétaire, Antonin Rivard-Mousso, et sa brigade de génies. Premier pari : aménager un restaurant en marge des circuits traditionnels, rue Ontario Est. Second pari : imposer un seul menu, composé d’une série de plats s’imbriquant de manière magistrale. L’expérience Mousso constitue l’un des plus beaux voyages gastronomiques de la galaxie. Étalée sur plusieurs heures, cette enfilade de plaisirs possède ce rare talent de freiner le temps, parfois même les conversations. L’accord mets-vin est à la hauteur. Oui, ce type d’exception exige un certain investissement. Mais le rendement sur papilles est très rentable. Le meilleur restaurant au pays ? C’est possible.

Patati Patata : l’Everest de la poutine

Parfois, un comptoir et quelques tables suffisent pour faire naître la magie. Au coin de la rue Rachel et du boulevard Saint-Laurent, d’irréductibles et loyaux artistes du burger, de la frite et surtout, de la poutine, sont aux commandes d’un vaisseau parcourant la constellation du bonheur. Comme casse-croûte, le Patati Patata est plus discret que d’autres enseignes tapageuses, mais ici, la qualité et le goût sont imbattables.

Un trio gagnant ? Le Démontignac : hot-dog format géant, entre autres drapé de carottes râpées et de tabasco, accompagné d’une frite convertie en poutine et d’un ginger ale. Vous croirez rêver ! Prévoyez une petite marche de santé dans les environs en sortant. Le mini-burger garni est tout aussi dément. Les portions sont généreuses et les prix, toujours amicaux.

Le Santropol : l’éternel

Ouvert depuis le milieu des années 70, le Café Santropol est de ces endroits qui enrichissent la vie d’un quartier, affichant à la fois constance, simplicité et sympathique côté brouillon. Essentiellement pour ses sandwichs créatifs et ses soupes riches – parfumées et réconfortantes –, le Santropol devient un incontournable en hiver, au retour d’une randonnée sur le mont Royal tout près. La playlist tient lieu de couverture chaude, ça sent les épices.

En été, la discrète terrasse nous tient à l’écart de la ville et du temps qui passe. Au pied des arbres, une petite fontaine, un chat, des poissons. Entre les branches, d’ondulants nids de soleil. Les conversations sont douces et multilingues, animées par des étudiants, des résidents du secteur ou quelques touristes de passage. Les options végétariennes sont nombreuses, les thés savoureux, les gâteaux décadents !

Le Crew Collectif et Café : le traitement royal

On s’imagine vedette d’un film campé dans les années 40, alors que la première ascension des marches s’ouvre sur le vaste espace du Crew Collectif et Café. L’effet est saisissant, mémorable. La hauteur des plafonds ? Infinie. L’éclairage ? Vaporeux, insaisissable, un peu comme l’acoustique. D’esprit Art déco, le design d’origine est épuré, à l’image du concept proposé.

Cette ancienne banque du Vieux-Montréal sert aujourd’hui de vaste scène aux travailleurs autonomes et aux employés des bureaux environnants, en quête de grandiose, de service efficace, de menu santé goûteux, de Wi-Fi et de généreuses prises électriques. Affairé derrière les guichets de cette ancienne succursale de la Banque Royale, le personnel maîtrise la recette du bon carburant urbain : du café de qualité, des salades équilibrées et d’excellents sandwichs, qui nous font sans cesse revenir. Encore.

Doval : un voyage au bout de l’ennui

Vous êtes en quête d’un service rapide, attentionné et courtois ? Évitez le Doval ! Ce n’est pas le Doval qui s’adaptera à vous, mais bien vous qui devrez adopter les codes abstraits du Doval. L’adresse fait les délices d’adeptes qui ne demandent rien d’autre dans la vie que de mordre dans un demi-poulet, des côtelettes d’agneau ou des calmars grillés sur charbon de bois, couronnant le tout d’une cascade de frites imparfaites et d’une salade molasse comprenant des oignons crus, bien trempée dans une vinaigrette affirmée, en buvant du vin de qualité discutable, servi dans des carafons rétro.

Phare du quartier portugais, le Doval, son fidèle personnel et l’impromptu guitariste-troubadour issu d’une autre époque, semblent baigner dans le formol. Alors, pourquoi aller au Doval ? Souvent galvaudé, le mot « authentique » prend ici tout son sens. Le mélange improbable de la clientèle façonne cette ambiance de club social, qui nous fait l’honneur de bien vouloir nous recevoir. Sans chichi.

Beaufort : accoster à bon port

Naviguant avec assurance entre les eaux scandinaves et montréalaises, à quelques encablures du métro Beaubien, le Beaufort Café est l’un des très, très rares endroits à favorablement accueillir une clientèle variée et multigénérationnelle. Solidement ancré dans son quartier, ce café-bistro accueille dès le matin une clientèle d’habitués : la jeune mère en congé parental avec son bébé, des étudiants en quête d’inspiration, de Wi-Fi et d’énergie, des réalisateurs, des artistes, des ouvriers, des chômeurs, des présidents d’entreprises et des professeurs. Jean-François, l’un des propriétaires, possède une sensibilité relevée pour la musique. On navigue d’aise dans toutes les époques.

Dans l’assiette, le Beaufort est l’endroit parfait pour croquer dans un bagel 100 % Montréal, provenant des fours à bois de Beaubien Bagel. Le mythique pain couronné accueille le somptueux gravlax maison du Beaufort. Pour un café que l’on étire toute la journée, une soirée animée entre amis, un brunch décadent, un végé burger parmi les meilleurs, un smøorrebrød ou une poutine aux boulettes norvégiennes, le Beaufort franchit le cap de tous les possibles. L’adresse réconfort.

Portus 360 : faire tourner les têtes

Un restaurant tournant au sommet d’un édifice peut rimer avec expérience démodée et bouffe-de-cafétéria. Mais ça peut aussi devenir une prodigieuse escapade pour découvrir Montréal quand le menu s’arrime aux beautés du panorama environnant.

Complétant un tour complet en moins de deux heures, le Portus 360 propose une large fenestration nous permettant d’apprécier les contrastes entre plusieurs quartiers de la ville, le fleuve, le mont Royal, les plaines et les montagnes de la Montérégie. C’est somptueux ! Helena Loureiro, chef et propriétaire, transforme en petits plaisirs de bouche les viandes, poissons, légumes grillés et autres spécialités portugaises, ici dans leur version raffinée.

La table d’hôte du midi vaut tous les détours, car en plus du point de vue imprenable sur Montréal, elle offre, pour moins de 25 $ par personne, un menu trois services, doté de plusieurs options. Ainsi, aucun vertige au moment de l’addition.

L’Express : le parfait bistro

On s’attend presque à voir apparaître quelques acteurs français, pourquoi pas Catherine Deneuve ou Yves Montand, tellement on se croirait dans le Paris des années 80, à l’époque où le cinéma français avait la cote et où l’art de vivre de l’Hexagone semblait sacré. L’eau a coulé sous les ponts de la Seine et du Saint-Laurent depuis, mais certaines coutumes demeurent et c’est tant mieux ! L’Express est du nombre. Ouvert sept jours et sept soirs, l’établissement est le rendez-vous de ceux qui apprécient la sophistication de la simplicité, comme le pain, le beurre et la moutarde, ou encore le pot de cornichons, signature de l’endroit, avec sa petite pince en bois pour les repêcher. Depuis déjà près de 40 ans.

Les classiques de cette cuisine bistro de qualité s’allongent sur un menu indémodable, interprété de manière constante et généreuse par la discrète brigade. Si on décide de manger au comptoir, seul ou à deux, l’expérience sera tout aussi parfaite, dos à la salle, devant un grand miroir.

Les conversations sont animées (on est à Paris !), le service est rigoureux. En marge des plats de tradition française, le croque-monsieur vaut l’essai pour qui aime croquer dans la vie. Son croustillant est troublant. Au moment de commander le dessert, c’est toute voile dehors que l’on exige l’île flottante, une bombe qui redéfinit les frontières de la décadence, que l’on partage à moins d’avoir un cœur très solide. Garçon !

Pho Bang New York : à la soupe

Pour avoir visité plusieurs villes du Vietnam et commandé à répétition la fameuse soupe au bœuf saignant, je statue : bien que plusieurs soient savoureuses, la meilleure se trouve peut-être entre les murs du Pho Bang New York, dans le quartier chinois.

La technique de préparation du bouillon, l’équilibre des épices, le fumet, la température, la tendreté des nouilles, la fraîcheur du basilic asiatique, le citron vert, les fèves germées, la noblesse des minces tranches de viande et la possibilité de pimenter le tout nous catapultent tout droit au centre de la cible du bonheur.

Que ce soit avant une soirée dans le quartier des spectacles, au lendemain d’un vendredi très festif ou pour clore une fin de journée d’automne, quand le soleil est encore chaud, mais que le vent un peu frais invite à la soupe, le Pho Bang New York est le super plan. Les autres spécialités se défendent, mais on y va pour une seule raison : la pho au bœuf saignant. Petit prix, on procède rapidement, l’endroit roule comme à l’usine.

Schwartz’s : le coup fumant

Schwartz’s n’est ni un resto de quartier ni un endroit inconnu des touristes, au contraire. Mais s’il est un lieu emblématique profondément marqué du sceau Montréal, c’est Schwartz’s – temple du smoked meat, ce bœuf fumé tendre qui fond en bouche, agrémenté d’épices et d’herbes secrètes, préparé selon une méthode tout aussi secrète, que l’on commande « moyen » ou « gras » (le « maigre » est moins goûteux) entre deux tranches de pain de seigle enduites de moutarde, avec un cornichon, des frites et un cola aux cerises. Vous pouvez bien commander autre chose, mais après avoir fait la file durant trente minutes, ce serait un péché.

Campé dans le même local depuis 1928, le plus vieux delicatessen du Canada a comme principal souci de s’empêcher d’évoluer. Le look de la salle, le goût, le logo ; tout doit rester d’origine. Pourquoi changer la perfection ? Le smoked meat de Schwartz’s est-il le meilleur ? Oui. Est-ce une illusion ? Non.

Cela étant réglé, les plus pressés éviteront la file d’attente en s’installant au comptoir de l’annexe, ouverte depuis quelques années. On perd le charme d’origine, mais on gagne en efficacité. L’option pour emporter est aussi privilégiée, parfaite pour observer la faune de la Main déambuler devant nous, tout en s’enfilant le Graal de Montréal.