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Vous avez une idée pour une appli ou un balado, mais n'êtes pas tout à fait prêt à la concrétiser ? Dans cet épisode d'Actualités en spécialité, le Dr Jonathan White, cocréateur de l'appli Surgery 101, offre ce conseil : visez un projet simple, bien fait et peu coûteux. Lancez-vous !

Actualités en spécialité, épisode 2 : Des applications en tous genres – Partie 2

Le Dr. Jonathan White, professeur de chirurgie à la faculté de médecine de l’Université de l’Alberta, enseigne la chirurgie depuis plus de 15 ans. En 2012, il a cocréé Surgery 101 (« Chirurgie 101 »), une populaire série de balados présentant des concepts de base en chirurgie à des étudiants en médecine. Ces balados ont été téléchargés plus de huit millions de fois dans plus de 200 pays et ont donné naissance à une appli. Dans ce deuxième épisode d’Actualités en spécialité, la Dre Guylaine Lefebvre, directrice générale, Bureau des programmes et de la mobilisation des membres du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, s’entretient avec le Dr Jonathan White afin de connaître les secrets de la réussite de Surgery 101 et de savoir en quoi l’évaluationcontinue des besoins et la participation de l’auditoire contribuent à améliorercette série et à l’alimenter en contenu. Produite par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, Actualités en spécialité est une série de balados dans lesquels différents experts parlent d’idées novatrices en médecine spécialisée.



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Dr Jonathan White

[00:00:06] Si on peut faire quelque chose rapidement, bien et simplement, c’est ce qu’on devrait faire en premier. Ça ne sert à rien de s’imaginer un immense projet rutilant et impeccable, car il y a peu de chance qu’il se concrétise. Il est très peu probable que quelqu’un soit en mesure de dépenser 50 000 $ pour une application, aussi magnifique soit-elle. Aussi, il faut éviter de consacrer beaucoup de temps à un projet sans savoir si l’intérêt du public est là. J’ai vu tellement de personnes créer des balados, des applications ou des vidéos, et n’avoir pour seul public que leur mère.

Dre Guylaine Lefebvre [00:00:39] Bienvenue à Actualités en spécialité, un nouveau balado qui met à l’honneur les idées novatrices en médecine spécialisée. Cette série est produite par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Nous sommes également reconnaissants envers les Services aux professionnels de la santé RBC, qui ont rendu ce projet possible par leur contribution en nature.

Je suis la Dre Guylaine Lefebvre, et je serai votre animatrice. Je m’adresse à vous à titre de directrice exécutive du Bureau des programmes et de la mobilisation des membres du Collège royal. Je suis également chirurgienne gynécologue et professeure à l’Université de Toronto, et j’ai aussi été chef du service d’obstétrique et de gynécologie de l’Hôpital St. Michael’s.

Merci de vous joindre à cette deuxième discussion sur les applications dans le monde de la santé.

Je suis aujourd’hui à Ottawa, en Ontario, ville qui se trouve sur le territoire non cédé des Algonquins et des Anichinabés, les gardiens ancestraux de ce beau coin de pays.

Lors du premier épisode, j’ai eu l’honneur de discuter avec les docteures Teresa Chan et Monika Bilic de l’application qu’elles ont conçue. Elles travaillent toutes deux à l’Université McMaster, où elles ont la chance de compter sur une équipe qui connaît bien l’apprentissage numérique. Lors de cet épisode, la Dre Chan et la Dre Bilic ont souligné l’importance de faire participer les utilisateurs à la conception de leur produit.

Aujourd’hui, nous recevons le Dr Jonathan White, professeur de chirurgie à la faculté de médecine de l’Université de l’Alberta. Jonathan travaille dans le domaine de l’enseignement de la chirurgie depuis plus de 15 ans.

En 2012, il a contribué à mettre sur pied le balado Surgery 101 (Chirurgie 101), une série de courts épisodes qui présente des concepts de base en chirurgie. Depuis, il a transformé ce balado en application à portée internationale. Bienvenue, Jonathan. Je crois d’ailleurs que la popularité de votre application a été une surprise pour vous, non ?

Dr Jonathan White [00:02:26] Merci beaucoup. Je vous remercie de me recevoir et de m’avoir invité à parler des applications et de mon balado.

J’aimerais mentionner que je me trouve présentement dans le sous-sol de ma maison, qui est située sur le territoire du Traité no 6. Ce territoire est un lieu de rencontre et de réunion traditionnel ainsi qu’un chemin pour les voyageurs de nombreuses nations autochtones, dont les Cris, les Saulteaux, les Pieds-Noirs, les Métis, les Dénés et les Sioux du Dakota. Ce territoire a été parcouru pendant des centaines d’années par de nombreux membres des communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Auparavant, j’aurais probablement dit que je viens d’Edmonton, en Alberta, mais depuis peu, dans notre balado, nous appelons cet endroit par son vrai nom : amiskwaciwâskahikan, ce qui signifie « la maison des collines aux castors ». Je suis très reconnaissant envers l’accueil que ces gens m’ont fait. Nous avons déménagé de l’Irlande à l’île de la Tortue il y a environ 17 ans, et nous ne connaissions personne en arrivant. Nous avons eu droit à un accueil très chaleureux et à de nombreuses belles occasions au fil des années. Je voulais profiter de ce moment pour reconnaître la dette que j’ai envers ce territoire et ses habitants.

Dre Guylaine Lefebvre [00:03:28] Merci Jonathan, c’est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui. Pouvez-nous nous parler de ce qui vous a mené à créer votre balado ?

Dr Jonathan White [00:03:38] Bien sûr. En gros, l’Université de l’Alberta m’a recruté en 2006 pour travailler à Edmonton en tant que responsable de la formation de premier cycle. J’ai toujours été intéressé par la technologie et ce qui l’entoure. Mon père était ingénieur électrique, et je pense qu’il a toujours voulu que je m’intéresse à des choses comme la résistance et les diodes. Malheureusement pour lui, j’aime mieux les technologies de l’information ! J’étais la première personne dans mon cercle à avoir un iPod et à tenter d’apprendre à utiliser cette technologie pour communiquer. J’étais aussi le premier à avoir un site Web personnel, une page Wikipédia et ce genre de choses-là.

J’étais donc déjà prêt à repenser la place de la technologie quand on m’a offert d’être responsable de la formation de premier cycle, et j’ai décidé d’assister à des conférences sur l’intégration de la technologie en enseignement. Ça m’a donné une idée folle, que j’ai explorée avec une ancienne résidente, Parveen Boorah. Pourquoi ne pas créer un balado ? Comme ça, les étudiants pourraient utiliser leur iPod pour en apprendre plus sur les sujets abordés en classe.

Nous avons donc sélectionné dix sujets très simples en chirurgie générale, des sujets qui n’avaient pas changé dans les 100 dernières années. Ensuite, nous avons préparé les épisodes. Parveen était vraiment douée. Nous avons écrit les textes et avons enregistré le tout, puis nous avons invité les étudiants en médecine de notre université à aller écouter les épisodes. À cette étape, un collègue m’a demandé pourquoi je ne me contentais pas de graver des CD. Nous avions alors 125 étudiants. Pourquoi ne pas simplement graver 125 CD et les remettre à chacun d’entre eux ? On a décidé de procéder autrement par pure paresse. On n’avait certainement pas le temps de graver 125 CD ! En plus, Steve Jobs venait tout juste de créer sa nouvelle plateforme, iTunes. Nous nous sommes donc dit que nous allions mettre nos dix petits épisodes sur iTunes et donner le lien aux étudiants. S’ils aimaient ça, libre à eux de les écouter !

Nous avons sondé le terrain et avons constaté que le balado était populaire, puis nous avons mis le projet de côté pour nous concentrer sur d’autres choses plus intéressantes. Cependant, le balado n’en avait pas terminé avec nous, et nous avons commencé à recevoir de nombreux courriels à l’adresse associée à notre compte iTunes. Ces courriels venaient de gens qui n’allaient pas à l’Université de l’Alberta, qui ne vivaient pas en Alberta et ni même au Canada. Il y avait des Hongrois, des Allemands, des Brésiliens qui trouvaient notre balado et qui nous écrivaient pour en parler. Ça a ensuite mené à des demandes spéciales. Par exemple, quelqu’un nous disait avoir aimé l’épisode sur l’appendicite, mais nous demandait d’en faire un autre sur des sujets comme l’hypertrophie bénigne de la prostate ou la pancréatite. Ça nous a fait réaliser l’ampleur de la demande, sur iTunes, pour du contenu à l’intention des étudiants en médecine partout dans le monde.

Même si je ne savais pas grand-chose sur l’hypertrophie bénigne de la prostate, sur la chirurgie cardiaque ou sur la chirurgie cérébrale, je connaissais des experts en la matière. En effet, notre corps professoral comptait de 200 à 250 chirurgiens de toutes les spécialités, et j’avais la chance de pouvoir leur demander de participer à notre balado. Je leur disais quelque chose comme : « Hé, il y a un étudiant en Hongrie qui m’a demandé de faire un épisode sur la chirurgie cardiaque. Ça te dit ? » Nous avons mis sur pied une petite équipe qui se rendait au bureau des chirurgiens qui acceptaient de participer afin de créer le texte de l’épisode. L’équipe s’occupait d’enregistrer l’épisode, et il ne nous restait qu’à éditer l’enregistrement et à le publier. Ainsi, en peu de temps, nous avons publié 50 épisodes, puis 100, puis 200… et ça a continué.

C’est comme ça que nous en sommes arrivés ici. Au fil des années, nous avons bonifié notre idée. Nous avions même un programme facultatif très populaire qui permettait aux étudiants de travailler avec nous à faire des épisodes pendant quelques semaines. Nous avions aussi des stagiaires pendant l’été. Parfois, ces stagiaires n’étudiaient même pas en médecine. Par exemple, il y avait des jeunes de l’Institut des technologies de l’Alberta, où il y a un programme de médias numériques pour apprendre à produire des films.

Ils nous ont aidés à trouver des idées pour passer à la prochaine étape, et ils nous ont dit ce que les jeunes aimaient : les vidéos. Nous avons donc créé une chaîne YouTube. Un des étudiants qui nous aidaient, Matt, adorait l’émission The Muppet Show quand il était jeune. Il nous a dit qu’il avait toujours voulu faire un épisode de cette émission, alors nous l’avons fait, mais à saveur médicale. Un autre étudiant adorait les Lego, alors nous avons fait plusieurs épisodes avec des Lego en animation image par image.

Et puis, nous avons dû nous réorienter, comme bien des écoles canadiennes. Des coupures ont affecté le temps consacré à la formation et le curriculum. Le programme accordait moins de temps à la chirurgie, alors nous avons remplacé certains cours magistraux par des épisodes du balado. Nous avons dressé la liste de tous les objectifs liés à l’apprentissage de la chirurgie et avons fait un épisode pour chacun d’entre eux. Nous avons fait un épisode pour absolument chaque objectif d’apprentissage. En somme, l’ensemble du programme de formation en chirurgie, pour toutes les spécialités, a été résumé en balados.

Les 13 dernières années ont certainement été très intéressantes. Dans les dernières semaines, nous avons atteint huit millions de téléchargements, et nous avons environ cinq millions de visionnements sur YouTube. Cela représente probablement 13 millions de personnes partout dans le monde, dans environ 200 pays. On reçoit des courriels du Japon, de l’Arabie saoudite. Je pense qu’on a même un public en Corée du Nord. Je ne sais pas comment il arrive à nous écouter, mais l’application nous montre où se trouvent les membres de notre public. Lorsque les gens téléchargent un épisode, on peut voir leur emplacement. Nous avons donc, un peu par surprise, acquis un public mondial. Ce n’était pas notre plan. Au début, on pensait seulement à dix sujets simples pour notre petite classe de 125 étudiants de l’Université de l’Alberta. Au fil des années, le projet a pris de l’ampleur par lui-même.

Dre Guylaine Lefebvre [00:08:48] Quel parcours incroyable! Vraiment! Ce qui m’impressionne, c’est que vous avez commencé tout ça avec un iPod de première génération et dix sujets de base en chirurgie. La technologie a beaucoup évolué depuis le tout premier iPod. Vous avez commencé par créer des balados. Selon vous, quelle est la différence entre s’adapter aux nouvelles technologies et profiter de la version actuelle sous forme d’application ? Comment avez-vous vécu cette transition ?

Dr Jonathan White [00:09:16] C’était intéressant, parce que nous avons commencé ce projet quand les applications n’étaient pas très connues. L’App Store n’existait pas, et les toutes premières versions du iPhone venaient de sortir. Créer une application n’était donc pas notre plan initial. Cependant, quand ce format est devenu plus populaire, nous nous sommes demandé s’il faudrait miser là-dessus pour Surgery 101.

J’ai donc rencontré des développeurs qui allaient nous faire une application sur mesure, et tout allait être parfait. Nous avons ensuite parlé d’argent, et ils m’ont demandé quel était notre budget. Je leur ai dit quelque chose comme : « Eh bien, je pourrais probablement en discuter avec le directeur du département et obtenir 3, 4 ou 5 000 dollars… » Je vais toujours me souvenir de leur réaction : ils ont refermé leur portfolio, se sont levés et sont partis. Ils m’ont dit qu’ils ne créeraient pas une application pour seulement 5 000 $. Ils m’ont remercié et sont partis.

À ce point-là, je me demandais quoi faire. Depuis le début de cette aventure, notre balado était hébergé par Libsyn (Liberated Syndication), et il l’est encore aujourd’hui. Nous les payions 6 $ par mois pour héberger nos épisodes sur leurs serveurs. Tous nos enregistrements se trouvaient là. Après, ils étaient diffusés sur iTunes et à d’autres endroits. Libsyn nous a proposé un nouveau service : prendre tout notre matériel et en faire une application. Ils allaient se charger de toute la conception logicielle. Ils allaient prendre le contenu et le mettre dans une application, et nous allions pouvoir modifier les images et d’autres fonctions. Avoir cette application nous coûterait seulement 20 $ par mois. D’un côté, j’avais des développeurs qui refusaient de travailler pour 5 000 $. De l’autre, Libsyn qui m’offrait de faire mon application pour 20 $ par mois. Vingt dollars, c’est moins d’argent que ce que je dépense en café chaque mois. Nous avons donc choisi cette option.

Et c’est de là qu’est née notre application. Alors, si vous me demandiez comment développer une application, je ne pourrais pas vous répondre. Je ne l’ai jamais fait. Je ne connais rien du tout à cette technologie, car une compagnie s’en occupe pour moi pour 20 $ par mois !

Dre Guylaine Lefebvre [00:11:00] Très intéressant. J’imagine que c’est une façon de faire que vous recommandez aux médecins et aux étudiants qui souhaitent aller dans cette direction. Vous êtes parti d’un besoin et d’une idée pour y répondre. Et vous n’avez pas dépensé un gros montant d’un coup sans savoir si ce serait utile.

Dr Jonathan White [00:11:20] En fait, je pense que cette décision était guidée par quelques principes d’innovation. Si on peut faire quelque chose rapidement, bien et simplement, c’est ce qu’on devrait faire en premier. Ça ne sert à rien de s’imaginer un immense projet rutilant et impeccable, car il y a peu de chance qu’il se concrétise. Je pense qu’il est très peu probable que quelqu’un soit en mesure de dépenser 50 000 $ pour une application, aussi magnifique soit-elle. Aussi, il faut éviter de consacrer beaucoup de temps à un projet sans savoir si l’intérêt du public est là. J’ai vu tellement de personnes créer des balados, des applications ou des vidéos, et n’avoir pour seul public que leur mère. En somme, ces personnes ne répondent pas à un besoin du marché.

Ce qui a fonctionné pour nous, c’est de partir d’un projet à très petite échelle et de faire des essais pour voir si nous répondions à un véritable besoin. Ensuite, nous sommes allés plus loin en suivant l’impulsion de notre public. Les gens qui nous écoutent étaient au volant et nous demandaient de parler de tel ou tel sujet. De plus, avant de nous lancer dans la production de vidéos, nous avons fait un sondage auprès de notre auditoire afin de voir si ce format les intéresserait. Deux personnes sur trois ont manifesté leur intérêt. En gros, nous avons suivi notre auditoire et lui avons donné ce qu’il voulait. Je pense aussi qu’il faut être flexible et adapter son modèle de temps à autre, en allant dans une autre direction que celle prévue.

Nous avons longuement discuté de l’idée de rendre nos épisodes payants. Nous nous sommes dit que notre auditoire était réparti dans 200 pays, et peut-être plus, et que cela représentait des tonnes d’écoles de médecine à travers le monde. Nous ne voulions pas mettre une barrière entre tous ces étudiants et notre contenu, et nous avons donc décidé de continuer à offrir ce service gratuitement. Sur notre site Web et sur iTunes, tout est gratuit et le restera. Pour ceux et celles qui souhaitent profiter de la convivialité d’une application, ils peuvent payer 99 cents, une seule fois, pour y avoir accès. C’est donc très abordable. J’ai acheté bien des applications qui coûtent plus que ça, et 99 cents ne devraient pas être un trop gros investissement. Nous avions aussi remarqué que les étudiants utilisaient les notes qui accompagnent les épisodes pour étudier, alors nous avons ajouté cette option pour 4,99 $ par année. Certains étudiants m’ont déjà dit qu’ils n’avaient jamais vu un manuel aussi économique.

C’est une de mes collègues, qui travaillait alors à Ottawa, qui m’a fait réaliser ce besoin en me racontant une anecdote très surprenante. Elle était dans la salle de pause du service de chirurgie et a entendu ma voix, et elle cherchait partout en se demandant où j’étais. Elle ne comprenait pas ce que je faisais à Ottawa ! En fait, c’était un étudiant qui écoutait un de nos épisodes sur son ordinateur, et qui prenait tout en note, mot à mot. Nous nous sommes dit que ces notes existaient pourtant déjà. Nous avions le texte et toutes les notes réunies par les auteurs des épisodes, alors pourquoi ne pas donner ce matériel aux étudiants pour les aider à réviser ? En somme, nous avons utilisé une approche flexible et nous nous sommes adaptés au fil du temps.

J’aimerais aussi ajouter un dernier point, et c’est le plus difficile. Plusieurs personnes m’ont approché pour me parler de leur désir de lancer un balado sur un sujet médical et pour me demander des conseils. Quand ça arrive, je leur donne quelques suggestions techniques pour les aider à enregistrer ou à éditer leurs épisodes. Je leur dis quelles plateformes utiliser, à quel public s’adresser. Pour être honnête, c’est la partie facile du processus. Ce qui est difficile, c’est de le faire pour vrai. De s’asseoir devant un micro ou un ordinateur, d’appuyer sur le bouton « Enregistrer » et de commencer à parler. La vaste majorité des personnes qui m’ont demandé des conseils n’en sont jamais arrivées à ce point. Elles y pensent, mais ne se lancent pas.

Mon conseil est donc celui-ci : viser un projet simple, bien fait et peu coûteux. Ne pas dépenser beaucoup d’argent, et simplement se lancer. Il faut seulement décider de quoi on va parler, appuyer sur le gros bouton rouge et enregistrer ce qu’on a à dire pour le présenter au monde. C’est possible que personne n’écoute ou n’aime votre balado, mais ce sera une source d’apprentissage. C’est possible, comme ça a été notre cas, que le public vienne à votre rencontre, que vous commenciez par un petit auditoire qui se multiplie ensuite. Mon conseil est donc d’appuyer sur le bouton et d’essayer.

Dre Guylaine Lefebvre [00:15:07] J’adore ce conseil. Et l’utilisation du cycle planifier-faire-évaluer-agir. On critique souvent les gens qui planifient trop avant d’agir. Ce que je comprends de tout ça, c’est qu’il faut planifier un minimum, mais agir rapidement. Ensuite, on peut étudier les résultats, s’adapter et continuer. Ce qu’il y a de beau, c’est qu’il n’y a pas de mauvais résultat, car on finira toujours par apprendre quelque chose.

Court intermède musical [00:15:38]

Dre Guylaine Lefebvre [00:15:43] Une grande partie de votre succès vient de votre flexibilité et de votre capacité à répondre aux besoins des apprenants. Comment faites-vous pour obtenir de la rétroaction de votre public ? Envoyez-vous des sondages, ou recevez-vous des commentaires des gens qui vous écoutent sur iTunes ?

Dr Jonathan White [00:15:55] Eh bien, à la fin de chaque épisode, je dis aux gens de nous écrire pour nous dire ce qui leur a plu ou ce qu’ils n’ont pas aimé. Nous demandons aussi au public de nous donner des suggestions pour les prochains épisodes. Je me souviens d’une étudiante australienne qui nous avait écrit un courriel pour nous dire qu’à son école de médecine, on ne parlait pas assez de l’anatomie de la thyroïde. Elle voulait qu’on fasse un épisode sur ce sujet. Je lui ai dit que ça ne se produirait probablement pas, car nous n’avions alors qu’un balado sans support visuel. Je me disais qu’on ne pouvait pas parler d’anatomie sans référence visuelle. Elle m’a répondu qu’elle aimerait trouver une solution. Nous avons donc discuté par courriel pour trouver comment enrichir notre émission grâce à des images. Elle s’est ensuite occupée de l’enregistrement audio. C’est drôle, parce qu’elle nous avait demandé de faire un épisode, et elle s’est retrouvée complètement impliquée dans le processus. Donc, elle a fait l’enregistrement audio. Le résultat était génial. Elle parlait pendant un moment, puis laissait des pauses musicales pendant lesquelles son mari jouait du saxophone ou du piano en direct. Nous avons pris cet enregistrement et les images qu’elle a fournies, puis avons réuni tout ça en un seul balado complet.

On ne pensait jamais arriver à faire ça, mais cette étudiante m’a fait comprendre que je me trompais ! Nous avons bel et bien réussi à faire un épisode sur l’anatomie de la thyroïde. Encore une fois, ça revient à écouter notre public en lisant ses courriels.

Je me souviens d’un groupe d’étudiants qui voyageait partout au Canada en voiture et qui parcourait de très longues distances. Ils nous ont envoyé un courriel pour nous dire qu’ils avaient écouté huit épisodes de suite pendant qu’ils traversaient le centre du Manitoba. Il y avait aussi une autre étudiante qui avait écouté seulement notre balado pendant tout son trajet de la côte australienne jusqu’à Alice Springs, au centre de l’Australie ! C’est le genre de commentaires qu’on adore recevoir.

Les gens nous disent qu’ils écoutent le matériel qu’on produit pour en apprendre un peu plus sur chaque sujet. Et c’est vraiment une petite quantité d’information qui est présentée. Notre philosophie, c’est qu’un médecin de garde à l’hôpital pourrait écouter un épisode rapidement pour traiter un cas qu’il n’a jamais vu auparavant. On veut qu’en 10 minutes, le temps de se rendre aux urgences, ce médecin ait une vague idée de ce qu’il doit faire. Nos épisodes répondent d’ailleurs toujours aux mêmes questions : Pourquoi est-ce important ? Pourquoi devrait-on s’intéresser à ce sujet ? Est-ce une préoccupation commune ? Comment cette affection se manifeste-t-elle chez le patient ? Quels antécédents faut-il vérifier ? Comment effectuer l’examen physique ? Une fois que le diagnostic se dessine, que faut-il faire et quelles sont les premières étapes du traitement ? Ainsi, lorsque les étudiants présentent le cas à leur précepteur en chirurgie, ils ont au moins une première idée du contexte. C’est de là que vient le titre Surgery 101. C’est comme un cours d’introduction qui présente les bases de la chirurgie.

Dre Guylaine Lefebvre [00:18:28] Je dirais qu’avec huit millions d’écoutes, vous avez certainement abordé plus que les bases. Avec du recul, y a-t-il quelque chose que vous auriez aimé faire différemment ?

Dr Jonathan White [00:18:39] C’est une question difficile, parce que nous avons changé notre méthode au fil du temps. Nous n’avons pas été très rigides. Nous nous sommes gardés au goût du jour. Une chose que j’aurais aimé faire davantage, et que j’espère explorer un peu plus dans l’avenir, c’est de faire participer les patients. Il y a quelques années, nous voulions faire un épisode sur l’oncologie chirurgicale, un seul épisode de 15 à 20 minutes. En y réfléchissant, ça a changé. On s’est dit qu’il fallait d’abord décrire de quoi il s’agit, puis parler du diagnostic, des stades du cancer, des traitements, de la chimiothérapie et de la radiothérapie. Rapidement, on est passé d’un seul épisode à six, parce qu’il s’agissait d’un sujet plutôt complexe. Nous avions donc l’intention de faire six épisodes de dix minutes.

Mais je me disais qu’il manquait encore quelque chose. J’avais l’impression de ne pas avoir parlé de tous les aspects de l’oncologie chirurgicale, et j’ai ensuite réalisé que nous devions parler à des patients qui avaient vécu cette expérience. Un ami d’un ami avait eu ce type de chirurgie, ainsi qu’un de mes patients que j’avais déjà opéré. Nous leur avons donc demandé de participer à quelques épisodes, et c’était très intéressant. C’est mon assistante, Tracy, qui a fait les entrevues avec les patients. Je n’ai même pas participé à ces épisodes ! Elle s’est occupée de tout, et leur point de vue permettait d’apporter une nouvelle réflexion. Certaines choses que je prêchais dans ma pratique prenaient une nouvelle importance lorsqu’elles venaient de la bouche des patients. Ils donnaient des exemples des éléments importants, ou nous disaient qu’ils auraient préféré que certains aspects de leur traitement soient différents.

Si je devais tout recommencer, je donnerais plus de place aux patients, car je crois que ce sont eux qui aident vraiment les étudiants à apprendre.

Dre Guylaine Lefebvre [00:20:16] Ce serait peut-être matière à réfléchir pour un balado Surgery 102 ?

Dr Jonathan White [00:20:19] Peut-être. En matière de format, je pense qu’on a repoussé les limites. Je ne pense pas que qui que ce soit d’autre ait déjà enseigné la chirurgie avec des marionnettes ! C’est peu probable. Même chose pour les Lego. Il y a même des gens qui nous ont demandé si nos vidéos s’adressaient aux enfants. Non non, ce n’est pas pour les enfants, c’est pour les adultes. Nous sommes un peu à la croisée des chemins, en ce moment. Peut-être parce que je suis arrivé à la moitié de ma carrière. En regardant nos épisodes des derniers mois, on voit qu’on sort beaucoup de notre zone de confort. On a déjà parlé de la base. L’appendicite. La vésicule biliaire. L’arthrite… On a parlé de toutes les affections communes. Maintenant, on entre en territoire un peu plus complexe. On parle de l’équité, de la diversité, de l’inclusion. On aborde les préjugés dans le système de santé canadien. On parle de racisme. On aide les gens à prendre soin d’eux-mêmes, à viser le bien-être et à éviter l’épuisement. Le concept qui m’intéresse en ce moment, c’est d’enseigner les choses qui sont parfois mises de côté délibérément par les écoles de médecine. Je me dis parfois qu’il faudrait qu’il y ait un manuel pour aider les gens à survivre au passage à la vie de médecin. Malheureusement, ça n’existe pas. Au fil d’une carrière, on glane des trucs ici et là grâce aux autres, mais je crois qu’on devrait commencer à parler explicitement de certaines choses.

Comme notre auditoire est grand et international, nous avons probablement la responsabilité de sortir des sentiers battus et de parler des sujets difficiles. On a même fait un épisode sur les blessures par balle, suivi d’un épisode sur le contrôle des armes à feu. On en a profité pour dire à quel point ce serait génial que personne ne se fasse plus jamais tirer dessus. Ainsi, plus besoin de traiter ce genre de blessure ! Quelques étudiants nous ont dit qu’on commençait à s’écarter du sujet en parlant politique. Cependant, nous sommes privilégiés et nous avons la chance de pouvoir dire pratiquement tout ce qu’on veut. Nous voulons parler des sujets importants. Les personnes qui ne veulent pas en entendre parler peuvent cesser de nous écouter, parce que nous allons continuer à repousser les limites.

Dre Guylaine Lefebvre [00:22:26] Je pense qu’être socialement responsable est une obligation intrinsèque pour le personnel de la santé. Merci d’en parler. Nous pourrions discuter de tout ça encore longtemps, mais je vais essayer de résumer les principaux points à retenir de notre rencontre. Le premier point fait écho au premier épisode sur les applications : il faut vraiment connaître les apprenants et les faire participer au processus de création afin de créer un produit qui répond à un besoin réel.

C’est aussi une bonne idée de travailler en équipe pour favoriser la création et l’innovation, particulièrement lorsqu’on apporte des changements et qu’on adapte la technologie. Ainsi, le produit peut suivre l’évolution technologique.

J’adore aussi votre façon de présenter les choses : un projet doit être simple, bien fait, et il faut se lancer rapidement. Il faut y aller une petite étape à la fois et apprendre au fur et à mesure. Surtout, il ne faut pas suranalyser et essayer de tout imaginer d’avance. Finalement, il ne faut pas avoir peur de rendre l’apprentissage amusant. Je pense que c’est particulièrement agréable pour les gens qui travaillent à produire les épisodes, et que ça capte l’attention du public, qui voit votre passion non seulement pour la chirurgie, mais aussi pour la création d’un monde meilleur. Dr White, souhaitez-vous ajouter quelque chose avant de terminer ?

Dr Jonathan White [00:23:40] On a parlé de beaucoup de choses en très peu de temps. J’encouragerais simplement les gens à suivre le même processus, à se demander s’ils pourraient contribuer, d’une manière ou d’une autre, à aider les autres. D’ailleurs, ça a mené à une discussion intéressante quand j’ai parlé de ce projet lors d’une conférence aux États-Unis, il y a deux ans. Les Américains étaient horrifiés par la gratuité de nos épisodes. Ils me disaient que ça devrait être un service payant, que chaque épisode devrait coûter un dollar. Ainsi, j’aurais fait huit millions jusqu’à présent, non ? Je leur ai dit que cela aurait été un obstacle à notre succès, et que notre public n’aurait jamais été aussi grand. En plus, je suis assez privilégié. Je fais suffisamment d’argent. En fait, en tant que chirurgien au Canada, j’en fais probablement trop. Je crois qu’on devrait faire profiter les autres de notre expertise.

À ceux qui écoutent ce balado et qui ont un projet en tête, ou qui veulent créer une application, je vous dirais de vous lancer. Commencez à petite échelle, choisissez un projet simple et solide, et lancez-vous. Les gens méritent d’entendre ce que vous avez à dire.

Dre Guylaine Lefebvre [00:24:41] Je vous remercie pour cette belle rencontre, et je suis certaine que notre auditoire tirera des leçons de ces perles de sagesse.

Merci d’avoir écouté Actualités en spécialité. Si vous avez aimé l’épisode, n’hésitez pas à vous abonner et à nous donner une note ou un commentaire sur Apple Podcast ou sur l’application de diffusion que vous utilisez. N’oubliez pas de partager cet épisode sur les réseaux sociaux et de l’envoyer à vos collègues. Je vous invite également à écouter un autre balado du Collège royal, le Café des spécialités, qui réunit des spécialistes et des résidents qui décrivent une journée typique dans leur spécialité. Je m’appelle Guylaine Lefebvre et vous avez écouté Actualités en spécialité.

 

Actualités en spécialité est réalisé par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada avec le soutien non financier de RBC Services aux professionnels de la santé. Banque Royale du Canada fait la promotion de ce balado avec l’autorisation du Collège royal. © Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, 2022. Tous droits réservés.

 

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