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RBC
« Les changements climatiques interagissent avec chaque facette de la santé humaine et chaque système organique, affirme le Dr Husein Moloo, premier directeur de la santé planétaire à l'Université d'Ottawa. D'un point de vue moral et éthique, la notion de santé planétaire est en accord avec tout ce à quoi la majorité d'entre nous croit. »

Le concept de santé planétaire désigne un mouvement social qui a pour objet d’analyser les incidences de l’activité humaine sur les systèmes naturels de la planète et sur la santé humaine, et de rechercher des solutions pour y remédier. Ce mouvement s’emploie à protéger, pour les générations actuelles et futures, les éléments essentiels à la vie que sont l’air, l’eau et les sols.

L’un des principes à la base de l’enseignement de la médecine est qu’il ne faut pas nuire au patient. Or, ce principe prend aujourd’hui un sens plus vaste dans un contexte où l’on réalise qu’il faut aussi prendre soin de la planète et des personnes touchées par les changements climatiques.

C’est dans ce contexte, et afin de donner plus d’ampleur à son engagement en matière de durabilité, que la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa a nommé récemment un directeur de la santé planétaire, ce qui constitue une première dans le milieu universitaire canadien. Ce nouveau poste a été confié au Dr Husein Moloo.

Rendre les pratiques médicales plus durables

Même si, pour les peuples autochtones, la protection du milieu naturel s’inscrit dans une vision plusieurs fois millénaire, ce n’est que depuis peu que les professions médicales réalisent l’importance de la durabilité des soins de santé pour la santé de la planète.

Le Dr Moloo est professeur agrégé de chirurgie à la Faculté de médecine, chirurgien colorectal et enseignant clinicien en santé planétaire au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Il collabore avec la Faculté de médecine, les institutions partenaires de l’Université d’Ottawa et des institutions du monde entier qui se distinguent par leur ambition sur le plan environnemental.

« Beaucoup de gens ne comprennent pas le lien entre les changements climatiques et l’incidence qu’ont les soins de santé, explique le Dr Moloo. Cependant, selon une statistique fréquemment citée, si les soins de santé étaient un pays, leur empreinte de carbone serait de l’ordre de celle du cinquième plus grand émetteur. »

« Toutefois, dit-il, on peut espérer que cette situation pourra changer rapidement, car dès qu’on se met à analyser des activités médicales d’un point de vue environnemental, on découvre de toute part des possibilités d’améliorations – que ce soit par une réduction du gaspillage alimentaire, une amélioration de l’offre de soins appropriés ou un renforcement du dépistage dans les populations. Je vois de plus en plus de professionnels de la santé qui travaillent à faire évoluer les choses. »

Un effort contribuant à la démarche d’amélioration de la qualité

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, la crise climatique constitue une menace urgente de portée inégalée pour la santé publique.

Dans le cadre de son mandat, le Dr Moloo effectue des recherches sur les effets des changements climatiques sur la santé humaine et les incidences environnementales des soins de santé. Il travaille également à réduire l’empreinte de carbone de la Faculté de médecine et de ses partenaires, en plus d’élaborer un programme d’enseignement axé sur la durabilité.

« Nous notons une convergence intéressante entre la préservation de la planète et une orientation déjà présente dans notre système de soins de santé et nos programmes de résidence, à savoir une vision axée sur l’amélioration de la qualité, dit-il. Cette vision est intégrée au fonctionnement de tous les hôpitaux et de presque tous les départements. Or, plutôt que de se limiter à examiner les effets économiques de l’amélioration de la qualité, on peut aussi tenir compte de la dimension des incidences environnementales et de la responsabilité sociale. En élargissant ainsi l’équation, il devient plus facile de repérer des possibilités d’action sur ce plan et de prendre des mesures s’y rapportant. »

On peut faire en sorte de favoriser la santé planétaire sans que cela devienne un fardeau écrasant. « L’épuisement professionnel est une menace bien réelle chez les médecins, et l’écoanxiété est un élément important du tableau pour beaucoup d’entre nous, dit le Dr Moloo. Une action concrète en faveur de l’environnement constitue un excellent antidote à cet égard. »

« Le secret, c’est de tenir compte de la durabilité dans nos décisions quotidiennes. Les mesures qui favorisent l’environnement peuvent prendre diverses formes, allant de l’achat d’appareils réutilisables à l’offre de soins virtuels lorsque les circonstances le permettent. »

Enseigner la santé planétaire aux étudiants en médecine

« Les changements climatiques interagissent avec chaque facette de la santé humaine et chaque système organique, explique-t-il. Par conséquent, en touchant un peu à ce sujet lorsqu’il est question de l’appareil respiratoire, puis de nouveau lorsqu’il est question de santé reproductive, de maladies infectieuses et de santé mentale, on fait comprendre ses multiples interactions avec la santé humaine et les conséquences qui en découlent sur le plan clinique. »

Le Dr Moloo veut faire en sorte que la santé planétaire soit un sujet véritablement intégré à l’ensemble du programme d’études en médecine, plutôt qu’un simple sujet de conférence ponctuelle. Jusqu’ici, les étudiants ont été à l’origine d’une large part de l’intérêt et de l’action entourant la question de la santé planétaire.

Par exemple, le groupe de travail HEART (Health and Environment Adaptive Response Task force) de la Fédération des étudiants et des étudiantes en médecine du Canada (FEMC) a élaboré des idées novatrices pour un programme d’études en médecine révisé par des conseillers membres du corps professoral et des spécialistes du domaine.

« Nous allons nous en servir comme d’un document d’orientation, ajoute le Dr Moloo. Il existe au pays un réseau de collaboration très dynamique. Si nous voulons que les choses évoluent, il faut éviter que chacun tente de créer son propre empire dans le domaine de la santé planétaire. Nous devons nous appuyer les uns sur les autres pour apprendre, et déployer à vaste échelle les changements pertinents. »

De leur côté, les étudiants en médecine de l’Université d’Ottawa ont créé un guide de l’organisation d’événements durables dans le domaine de la médecine. « Ils ont d’excellentes idées, dit le Dr Moloo, par exemple ne pas utiliser d’ustensiles en plastique jetables, privilégier les aliments d’origine végétale et encourager les participants à confirmer leur présence afin de réduire au minimum le gaspillage alimentaire. Ce sont là des suggestions simples, concrètes et à la portée de tous. J’espère qu’elles seront retenues par tous les départements de notre faculté. »

Avant tout, ne pas nuire

« J’ai été agréablement surpris de voir avec quel enthousiasme les organisations se mobilisent pour participer à l’effort visant à rendre les soins de santé plus durables », dit le Dr Moloo.

Par exemple, le Forum canadien de chirurgie a choisi la santé planétaire comme thème pour son colloque de 2023, et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada a fait de la santé planétaire l’un des principaux éléments de sa stratégie des trois prochaines années, indique-t-il. Le souci de protéger la santé des générations futures est aujourd’hui une motivation centrale dans le secteur des soins de santé.

« D’un point de vue moral et éthique, la notion de santé planétaire est en accord avec tout ce à quoi la majorité d’entre nous croit – ainsi qu’avec le principe selon lequel il ne faut pas nuire au patient. Nous sommes très centrés sur les besoins de la personne qui est devant nous. Mais tout en prodiguant des soins, nous devons être animés par le désir et l’espoir de laisser derrière nous une planète en bonne santé afin que les membres des générations futures puissent jouir eux aussi d’une vie saine. »

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