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RBC
Juin étant le Mois national de l'histoire autochtone, nous avons demandé à la Dre Nel Wieman, militante et mentore, de nous raconter comment cette survivante de la rafle des années 1960 est devenue la première femme psychiatre autochtone du Canada.

Selon la Dre Nel Wieman, pour donner de bons soins médicaux, il faut d’abord faire preuve d’empathie et de confiance. En tant que première femme psychiatre autochtone du pays, elle a défendu ardemment les intérêts des patients victimes de racisme systémique qui avaient difficilement accès aux soins psychiatriques.

Leader renommée à l’échelle nationale dans le domaine de la santé autochtone depuis plus de 20 ans, la Dre Wieman est la médecin en chef adjointe de la Régie de la santé des Premières Nations à Vancouver (RSPN) et présidente de l’Association des médecins autochtones du Canada(AMAC).

Née au sein de la Première Nation de Little Grand Rapids au Manitoba, elle a été prise dans la rafle des années soixante alors qu’elle était enfant, puis a été adoptée par une famille d’immigrants néerlandais dans laquelle elle a grandi à Thunder Bay, en Ontario.

« Je suis allée dans une école primaire où la moitié des enfants étaient amenés par autobus depuis la réserve de Fort William et l’autre moitié depuis des quartiers non autochtones. C’était très troublant pour l’enfant que j’étais, car je ressemblais aux enfants de la réserve de Fort William, mais je n’étais jamais montée dans cet autobus. J’ai toujours eu l’impression de prendre le mauvais autobus », se souvient la Dre Wieman.

Ce n’est qu’au milieu des années 1980, lorsqu’elle a quitté la maison pour aller étudier la kinésiologie et la biomécanique à l’Université de Waterloo, que la Dre Wieman a commencé à s’intéresser à ses racines autochtones.

Pendant sa formation médicale à l’Université McMaster au début des années 1990, la Dre Wieman s’est impliquée auprès de l’AMAC. Peu après, elle a délaissé la neurochirurgie pour se consacrer à la psychiatrie.

Une voix pour les laissés pour compte

« J’ai assisté à quelques conférences qui portaient sur la santé des Autochtones et je me suis familiarisée avec les besoins. Pendant mon premier stage en psychiatrie, j’ai senti que c’était vraiment ma place. »

Lorsqu’elle a reçu le Prix national d’excellence décerné aux Autochtones, en 1998, la Dre Wieman était déterminée à devenir la voix des laissés pour compte du système de santé.

« Il fallait que je me sente digne de ce prix, se rappelle-t-elle. J’étais victime de racisme de la part des autres étudiants en médecine, de mes précepteurs cliniques et du personnel administratif du système de formation médicale. Je voulais dénoncer cette situation parce que ce n’est pas correct et parce que je voulais essayer de faciliter les choses pour les générations à venir. »

Se montrer culturellement sécurisant

C’est en travaillant dans des établissements de soins actifs que la Dre Wieman a découvert l’importance d’établir une relation étroite avec ses patients.

« La tradition orale a toujours été très présente chez les Premières Nations, et j’aimais aussi bien l’art que la science de la psychiatrie.

En psychiatrie, il faut inspirer confiance. Les gens ne vous diront pas qu’ils ont des idées suicidaires s’ils ne croient pas que vous allez les traiter correctement, fait-elle observer. Quand on est en crise, c’est l’une des pires journées de notre vie. Lorsque je travaillais dans des réserves, les gens ne savaient rien de mon histoire personnelle, mais ils sentaient que j’étais empathique et que j’avais souffert, moi aussi. Certaines parties de moi faisaient en sorte qu’ils pouvaient s’identifier à moi et me rendaient accessible. Ça s’appelle se montrer culturellement sécurisant. »

Militer pour un traitement plus équitable

Après avoir consacré plusieurs années à la santé mentale des Autochtones et à la prévention du suicide chez les jeunes Autochtones, la Dre Wieman a déménagé à Vancouver pour travailler en santé publique à la RSPN, un poste qui lui a permis de mettre en pratique ses compétences cliniques et en recherche, ainsi que son expérience et son travail de défense des droits. En 2013, elle a reçu la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II et elle est actuellement l’une des responsables de l’élaboration d’une norme de sécurité culturelle et de lutte contre le racisme, la première du genre dans la province, dont la publication est prévue cette année.

La COVID-19 a mis en évidence les lacunes du système de santé canadien, fait remarquer la Dre Wieman, en particulier pour les patients autochtones.

« Plusieurs événements se sont produits simultanément : la pandémie, le décès de Joyce Echaquan et la publication du rapport In Plain Sight en Colombie-Britannique en novembre 2020. Tout cela a alimenté la discussion sur la discrimination, le racisme et les mauvais traitements prodigués dans le système de santé, explique la Dre Wieman.

« Le rapport In Plain Sight pointait le racisme dans le système de santé de la Colombie-Britannique, mais il a permis d’élever le niveau de la conversation à l’échelle du pays. Nous nous sommes rendu compte pour la première fois que nous pouvions parler de ce problème même si le sujet demeure difficile à aborder. Les Canadiens n’aiment pas se percevoir comme racistes. Mais c’est en en parlant que nous pouvons commencer à changer les choses. Ces discussions nous ont permis de militer pour un traitement plus équitable. »

Par exemple, grâce aux efforts déployés par la RSPN pour gérer les éclosions de COVID-19 dans les communautés des Premières Nations et accorder la priorité de vaccination aux Autochtones, de nombreuses vies ont été sauvées, poursuit-elle.

Mentorat selon le principe des sept générations

Le sens du devoir qui pousse la Dre Wieman à offrir du mentorat aux prochaines générations de professionnels de la santé découle du principe des sept générations instauré par les Iroquois.

« Dans ma culture, chacun est le produit de sept générations : ce que je suis aujourd’hui dépend des actions des générations qui m’ont précédée, et ce que j’accomplis au cours de ma vie aura des répercussions qui se feront sentir pendant sept générations », précise-t-elle.

« J’ai eu la chance d’avoir comme mentor le Dr Tom Digman, premier médecin autochtone du Canada, qui sera intronisé au Temple de la renommée médicale canadienne cet été. J’ai toujours essayé d’être à la hauteur de ses enseignements en offrant du mentorat aux étudiants. »

Depuis quatre ans, la Dre Wieman agit comme mentore officielle d’un étudiant en médecine dans le cadre du cercle de mentorat de l’Association des médecins autochtones du Canada, qui a récemment reçu une subvention d’un million de dollars de la Fondation de l’Association médicale canadienne. « Quand on offre du mentorat à quelqu’un, cette personne nous apporte aussi quelque chose. Ce n’est pas une relation à sens unique dans laquelle on essaie de soutenir quelqu’un ou de lui donner des conseils. Parfois, il suffit d’écouter », ajoute la Dre Wieman.

Collaborer pour faire tomber les barrières

Selon la Dre Wieman, pour transformer la culture médicale, donner plus de voix aux Autochtones et faire tomber les barrières systémiques, il faut une approche collaborative, dirigée par la communauté.

« Les médecins autochtones sont tout désignés pour collaborer avec les gouvernements à différents niveaux, car ce sont des praticiens formés à l’occidentale qui ont également un pied dans les communautés, qu’il s’agisse d’une réserve, d’un établissement métis ou d’une communauté urbaine, explique-t-elle. Nous pouvons aider les communautés à faire connaître leurs besoins, et c’est un honneur et un privilège de faire ce travail. »

RBC contribue depuis plus de 25 ans aux efforts de réconciliation en collaborant avec les peuples autochtones dans le cadre d’initiatives visant à apporter des changements concrets et significatifs. Consultez notre rapport de partenariat annuel, Un chemin tracé, qui souligne les réussites des Autochtones et affirme notre engagement envers ces derniers.

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