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La santé mentale des jeunes vous préoccupe? Voici des réponses à 11 questions que vous vous posez peut-être sur cet important enjeu de société, et des pistes de solutions proposées par le programme Solidaires pour la santé mentale.

Si vous connaissez une jeune personne affectée par l’anxiété, la dépression ou la détresse psychologique, vous n’êtes pas seul. En effet, les problèmes de santé mentale chez les jeunes sont en hausse au Canada depuis dix ans. Que faut-il savoir? Comment les aider. Voici les réponses à des questions importantes sur les jeunes et la santé mentale que vous n’avez peut-être jamais osé poser.

1. En matière de santé mentale, qu’y a-t-il de particulier chez les jeunes, par rapport au reste de la population ?

Dans la population en général, une personne sur cinq souffre de problèmes de santé mentale. Chez les jeunes, de 5 % à 10 % souffrent de dépression. Les hospitalisations et les visites à l’urgence pour des troubles de santé mentale des jeunes de 5 à 24 ans ont presque doublé au cours des dix dernières années au pays, selon l’Institut canadien d’information sur la santé.

De plus, depuis 2010-2011, la proportion d’élèves du secondaire qui souffrent de troubles anxieux est passée de 9 % à 17 %, tandis que ceux qui présentent un « niveau élevé » de détresse psychologique sont passés de 21 % à 29 %, selon l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire de l’Institut de la statistique du Québec. L’anxiété touche particulièrement les filles, qui sont deux fois plus nombreuses (22 %) à avoir reçu un diagnostic de trouble anxieux contre 11 % des garçons.

2. Y a-t-il des différences pour les jeunes sur le plan des symptômes ?

« Les symptômes et les manifestations sont différents chez les jeunes. Par exemple, quand on parle de dépression chez les adultes, on remarque surtout de l’apathie, de la tristesse, de l’isolement et de la fatigue. Chez les adolescents, les symptômes les plus courants sont l’irritabilité excessive, l’agitation et la difficulté à se concentrer. Ce n’est pas l’image que l’on se fait couramment d’une personne en dépression. On a plus tendance à dire que c’est un jeune qui dérange », explique Josiane Babin, gestionnaire du programme Solidaires pour la santé mentale de la Fondation Jeunes en tête.

Ce programme est offert gratuitement aux écoles du Québec pour sensibiliser les adolescents à la dépression, et expliquer comment la reconnaître et quoi faire lorsqu’on est inquiet pour quelqu’un.

3. Sur les plans personnel, social et familial, quels sont les plus grands défis rencontrés par les jeunes aux prises avec des problèmes de santé mentale ?

« Les symptômes provoqués par la détresse psychologique ont un effet sur les relations avec les autres : famille, amis, camarades de classe. Le jeune affecté peut avoir tendance à s’isoler, à entrer en conflit ou à consommer des substances, drogue ou alcool. Son jugement est affecté. Le parcours scolaire sera aussi influencé. La dépression est l’une des principales causes de décrochage scolaire. L’un des plus grands défis est de se sortir de cette « bulle » négative pour aller chercher l’aide dont on a besoin. Une fois que le jeune a son diagnostic, le défi est d’avoir un traitement adapté à sa situation, qui fonctionne bien et lui permet de se remettre sur pied », dit Josiane Babin.

4. Pourquoi les jeunes hésitent-ils parfois à parler de leurs problèmes de santé mentale lorsqu’ils surviennent ?

« Il y a encore beaucoup de préjugés sur la santé mentale. Ils ont peur de se faire traiter de faibles, de se faire dire qu’ils ne sont « pas bons », de ne pas arriver à régler leurs problèmes par eux-mêmes. Ils ont peur d’aller voir la travailleuse sociale de l’école, par exemple, car c’est stressant pour eux. Ils ont peur que toute l’école le sache. Ils ont peur que les parents soient mis au courant, ils ont peur d’être punis à cause de cela. Ils ont peur de décevoir ou de faire de la peine à leurs parents. Il arrive qu’ils aient eu des mauvaises expériences en essayant d’en parler auparavant. Parfois, ils ont eux-mêmes des préjugés envers la maladie mentale. Ils se disent « mais non, je ne suis pas fou, je ne suis pas folle ». Et parfois, ils ne réalisent même pas qu’ils ne vont pas bien », dit Josiane Babin.

L’exemple d’Elizabeth, qui témoigne dans cette touchante vidéo du programme Solidaires pour la santé mentale démontre que le fait de demander de l’aide peut faire toute la différence et qu’il est possible d’aller mieux.

5. Quels préjugés les personnes touchées par des problèmes de santé mentale ont-elles encore à surmonter en 2019 ?

« Des gens vont parfois juger la personne qui a des problèmes de santé mentale comme peu intelligente, incapable de se prendre en mains, paresseuse, ou dire qu’elle fait semblant, qu’elle recherche de l’attention. »

Or, les personnes touchées par des problèmes de santé mentale sont loin d’être paresseuses ou de mauvaises volonté! Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la maladie mentale se définit par des changements qui affectent la pensée, l’humeur ou le comportement d’une personne, et qui lui causent de la détresse ou de la souffrance. En revanche, toujours selon l’OMS, la santé mentale est « un état de bien-être permettant à chacun de reconnaître ses propres capacités, de se réaliser, de surmonter les tensions normales de la vie, d’accomplir un travail productif et fructueux et de contribuer à la vie de sa communauté. »

6. Quels indices les plus courants peuvent nous indiquer qu’une personne a des problèmes de santé mentale, y a-t-il des signes à surveiller ?

« Avec les adolescents, on parle surtout d’une rupture dans les comportements. La personne change de façon de penser, d’agir, de fonctionner au quotidien. On décèle de l’irritabilité, un manque d’énergie, des troubles du sommeil ou de l’appétit. Mais il arrive que le jeune se mette un « masque » pour faire croire aux autres que tout va bien, alors que ça ne va pas. Il peut aussi tomber dans la consommation excessive, ou des comportements excessifs. Les idées suicidaires peuvent être présentes et on doit les prendre au sérieux. Quand on observe des changements importants chez un jeune, ce sont des indices à surveiller. »

Jeune adolescent triste ou déprimé, réconforté par une amie, avec deux jeunes discutant en arrière-plan.

7. Si on soupçonne qu’un ami, un parent ou une connaissance a un problème de santé mentale, quels sont les meilleurs gestes à poser pour aider cette personne ?

« On propose quatre étapes. La première est d’observer les changements et les symptômes. La deuxième est de briser son isolement en essayant de lui en parler, d’en discuter avec lui, de lui demander s’il y a quelque chose qui ne va pas. On peut lui dire qu’on a remarqué des changements, dire qu’on est inquiet et lui demander si on peut faire quelque chose pour l’aider.

Si la situation ne s’améliore pas, la troisième étape est d’aller consulter une ressource, un spécialiste pour avoir un diagnostic et un traitement qui va lui permettre d’aller mieux. Le rôle de l’ami ou du parent n’est pas de surveiller le jeune, mais de l’accompagner dans son cheminement, de passer du temps avec lui, d’être présent s’il a besoin de parler. La quatrième étape est de persévérer dans le processus de changement, d’être patient et de rester positif. »

8. Une consultation auprès d’un psychologue peut coûter cher, en particulier pour les jeunes et leur famille. Comment un jeune peut-il avoir accès à l’expertise et aux soins dont il a besoin sans se ruiner ?

« Plusieurs écoles ont des psychologues, et l’école est souvent une bonne porte d’entrée pour faire des liens avec des services externes comme le CLSC. Il y a aussi la ligne téléphonique 811, qui peut permettre de trouver des ressources dans sa région. Le médecin de famille peut aussi servir d’intermédiaire. On retrouve aussi des organismes qui offrent des services de psychothérapie à moindre coût, comme Le Levier et le Centre St-Pierre. De plus, les parents qui ont des assurances et des programmes d’aide à l’emploi à leur travail ne doivent pas oublier de vérifier si ces soins sont couverts. C’est souvent le cas. »

9. Comment un programme tel que Solidaires pour la santé mentale peut-il aider les jeunes faisant face à des problèmes de cet ordre ?

« Le Programme Solidaires pour la santé mentale fait des animations dans les écoles secondaires pour parler de santé mentale. Nous avons cinq équipes qui vont partout à travers le Québec, et ce service est gratuit pour les écoles. Après nos interventions, des jeunes viennent souvent nous voir pour avoir de l’aide. Notre rôle n’est pas de faire nous-mêmes le suivi, mais de faire le pont avec le milieu scolaire. Nous avons toujours la liste des intervenants à l’école, et on la regarde avec le jeune, qui va aller consulter une personne ressource dans son école. »

10. Quelle différence cela peut-il faire dans la vie d’un jeune de demander de l’aide ?

« Cela peut faire toute la différence! Plus on va demander de l’aide rapidement à l’apparition des symptômes, plus on a de chances de s’en remettre rapidement et plus cela diminue les chances que les problèmes réapparaissent. Souvent, chez les adultes qui vont chercher de l’aide, on découvre qu’ils ont déjà eu des symptômes à l’adolescence. Il faut savoir que 50 % des troubles de santé mentale apparaissent avant l’âge de 14 ans, et 75 % avant l’âge de 24 ans. Plus on en parle tôt, plus on recevra de l’aide adéquate et plus on aura de chances de s’en sortir. »

11. Pourquoi est-il important, comme société, de parler de santé mentale au quotidien ?

« Plus on va en parler, moins ce sera un tabou, plus les gens, en particulier les jeunes, vont aller consulter et chercher de l’aide. Quand on a un bras cassé, on n’hésite pas à aller à l’hôpital. Si on réussit, comme société, à rendre cela aussi normal de prendre soin de sa santé mentale que de sa santé physique, on va faciliter l’accessibilité aux soins et permettre à plus de gens d’aller mieux. »