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RBC
À l'occasion du 17 mai dernier, Journée internationale de lutte contre l'homophobie, la lesbophobie, la biphobie et la transphobie, la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais a publié le guide intitulé Aider les jeunes LGBTQI+ avec bienveillance – Guide pratique d'intervention, avec le soutien de RBC.

Co-écrit par le sociologue et professeur retraité Michel Dorais, et l’auteur et président de la fondation dont il est question ici, Jasmin Roy, ce guide vise à prodiguer aux intervenants des connaissances de base et les meilleurs conseils pour intervenir avec bienveillance auprès des jeunes issus des communautés LGBTQI+. Il s’agit d’un premier guide du genre au Canada, et même dans le monde, autant en français qu’en anglais.

Si un tel outil avait existé il y a de cela plusieurs années, une famille rencontrée pour cet article aurait eu moins de difficulté à obtenir le soutien du milieu scolaire pour leur enfant, Lolo, une jeune fille trans aujourd’hui épanouie.

La famille de Lolo, âgée de 12 ans, était très heureuse de la parution d’un tel outil. Il aurait été d’autant plus apprécié si le personnel de l’école avait pu bénéficier des sages conseils qu’on y trouve lors de l’entrée à la maternelle de Lolo, en 2015.

« Ce guide aurait été utile afin d’outiller les gens face à cette réalité et à leur rôle dans l’accompagnement de Lolo », indique la maman de Lolo, Johanne. « La plupart des gens travaillant à l’école de Lolo nous disaient ne jamais avoir rencontré d’autres élèves souhaitant faire une transition. C’est comme si Lolo sortait d’une boîte à surprises. Elle était la première à ouvrir le chemin aux autres. Ils disaient ne pas être prêts à faire face aux commentaires des autres élèves, encore moins à ceux des parents. Ils anticipaient beaucoup leurs réactions. Ils avaient même peur que cela donne envie à d’autres élèves de faire la même chose… Ce guide aurait donc permis aux gens gravitant autour de Lolo de mieux comprendre que ce n’était pas un caprice ou une lubie de passage, mais que c’était plutôt un mal-être et que de la laisser continuer à être quelqu’un qu’elle n’était pas la rendait très triste et vulnérable. Ce guide leur aurait aussi permis de se mettre en action plus rapidement et de comprendre que c’était un besoin vital pour elle. On lui demandait de reporter sa transition sociale jusqu’à ce qu’ils soient prêts à l’accompagner. Les adultes auraient dû être prêts dès le départ », se remémore tristement la maman. « On aurait dû être en mesure de la sécuriser et de lui dire qu’elle n’avait pas à avoir peur d’être elle-même et qu’elle pouvait compter sur leur soutien pour l’épauler. »

L’histoire de Lolo

Lolo est une enfant unique qui aime l’école, particulièrement les matières artistiques, et qui excelle dans tout. Elle est également actrice et chanteuse. Elle a surtout la chance de pouvoir compter sur le soutien d’une famille unie et aimante.

Ce que vit Lolo n’a rien à voir avec le cauchemar que peuvent vivre certains enfants au sein de leur famille lorsqu’ils affirment une expression de genre différente de celle qu’on attend d’eux – de celle qui leur a été assignée à la naissance au regard des organes génitaux.

À l’aube de son entrée en deuxième année du primaire, en 2017, Lolo a pris une grande décision : elle a cessé de porter des vêtements traditionnellement associés aux garçons et a décidé de laisser allonger ses cheveux. Dans les faits, cette transition sociale avait débuté dès la maternelle. Il aura fallu deux ans aux parents de Lolo avant d’être enfin entendus par la direction et le personnel de l’école.

« Rien n’a été fait pour nous aider avant le mois d’octobre 2017, soit après que Lolo avait fait son entrée en deuxième année du primaire. C’était deux ans après qu’on ait commencé à demander de l’aide. Je ne pense pas que c’était tant de la méchanceté que de l’ignorance de leur part. Les gens croyaient davantage à un caprice, surtout compte tenu du fait qu’elle s’est d’abord affirmée transgenre non binaire l’année où on a commencé à en parler le plus. Les gens se disaient donc qu’elle voulait être à la mode. »

Pour Lolo, le début de sa deuxième année revêtait un caractère symbolique : elle allait afficher ses couleurs et assumer ses goûts coûte que coûte. Elle était sûre de son choix, qui n’en était, en fait, pas un.

« Comme tous les enfants, elle avait choisi ses vêtements pour ce grand jour. »

Ses parents ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour permettre à Lolo d’être heureuse. Cependant, ils n’ont pas été en mesure de mettre l’équipe-école dans le coup.

« Les regards posés sur elle dans la cour d’école ont fait très mal… Malheureusement, personne n’y était préparé. On avait prévu une rencontre, en juin, pour expliquer la situation de Lolo au personnel, mais comme l’école avait peur que le personnel change durant l’été, la rencontre a été reportée. La sexologue est venue en classe pour expliquer la réalité de Lolo aux autres élèves et au personnel de l’école. Mais ça, c’était quatre ou cinq semaines après le début de l’année et ça s’est fait en fonction des disponibilités de l’école et des siennes. Je crois que les gens auraient préféré que Lolo attende cette visite pour faire sa transition, mais comment expliquer à une enfant qu’il serait préférable qu’elle se déguise dans des vêtements qui ne la représentent pas en attendant le bon moment, soit celui choisi par les adultes ? »

Durant cette période, Lolo a vécu des moments difficiles avec ses camarades. Ses parents ont fait de leur mieux pour la soutenir. C’était éprouvant. La maman raconte le désespoir de son enfant avec émotion :

« Au bout de deux ou trois semaines de mauvais traitements de la part des autres enfants, Lolo a fait une crise identitaire qui m’a brisé le cœur. Cette enfant si joyeuse était prête à faire couper ses cheveux et à porter des vêtements qu’elle détestait pour éviter les mauvais commentaires. Elle pleurait sans cesse en se regardant dans le miroir. Je n’oublierai jamais ce moment. Heureusement, sa sexologue l’a rencontrée en urgence, puis l’a outillée et accompagnée en classe. C’est devenu une enfant solide et plus personne n’ose se moquer d’elle. Elle ne se voit pas différente. »

Lolo m’a déjà confié, à ce sujet : « Il ne fallait pas les laisser gagner. »

Lorsque la famille a enfin été prise au sérieux, les choses ont débloqué rapidement. La direction, la technicienne en éducation spécialisée de l’école, une conseillère pédagogique du centre de services scolaire et la sexologue engagée par la famille ont travaillé ensemble à un plan de soutien pour Lolo. La direction a demandé à Lolo comment elle pouvait l’aider. Il a notamment été question des vestiaires, où les enfants l’attendaient à la porte pour rire. Si on lui a assigné un nouvel endroit pour se changer, les enfants n’ont pas nécessairement été éduqués par les adultes ni repris pour leurs mauvais comportements. Un enfant lui a, entre autres, déjà demandé de se déshabiller pour valider son genre…

« Peut-être que tu penses que je suis une fille à cause de mes vêtements et de mes cheveux, mais on est en 2018, et en 2018, c’est de même, si t’es pas content, moi je m’en vais jouer, demande à un adulte. »

Voilà l’une des phrases utilisées par Lolo auprès de camarades intrusifs lui posant des questions ou la jugeant pour son style qualifié de non conforme. Elle en a appris plusieurs autres lors de ses rencontres avec sa sexologue.

Le papa de Lolo a fait le bilan de son parcours ainsi :

« La deuxième année a été une belle année. Elle a gagné beaucoup de confiance. Depuis, elle ne se change plus avant de sortir de la maison. »

« La direction a dit qu’elle a fait bouger beaucoup de choses, dans les mentalités », d’ajouter sa maman.

Les parents de Lolo éprouvent beaucoup de fierté pour tous leurs enfants. Chacun des membres de la famille est unique et soutenu pour qui il est, ses goûts et ses passions.

Aider les jeunes LGBTQI+ avec bienveillance – Guide pratique d’intervention

Voici les sujets abordés dans ce guide :

  • Lexique de la diversité sexuelle et de genre
  • Les savoirs préalables aux interventions auprès des jeunes LGBTQI+ et de leurs milieux de vie
  • Les savoir-être
  • Les savoir-faire dans l’intervention auprès des jeunes LGBTQI+ et leurs milieux de vie

Téléchargez le guide ici.

* L’année 2015 est vue comme une année charnière pour les droits des personnes trans puisque le dévoilement de l’identité de genre féminine de Caitlyn Jenner a ramené l’évolution des droits trans à l’avant-plan de l’actualité mondiale.